LE DEPART D'AHMADOU BAMBA POUR LE DJOLOF A propos de ce déplacement, Cheikh Mbacké BOUSSO m'a informé que, quand le nombre des habitants de TOUBA s'accrut considérablement à la suite du mariage d'une grande partie des disciples et de l'immigration de nombreuses familles villageoises à TOUBA, les hommes qu'Ahmadou Bamba avait choisi pour les éduquer spirituellement se confondirent avec les autres éléments, d'où la perturbation du système qu'il avait établi et pour la réalisation duquel il avait séparé ceux parmi ses adhérents qui voulaient apprendre le Coran et les sciences religieuses de ceux qui s'intéressaient plutôt au travail. Le mélange de ces deux groupes lui fut certes inacceptable. Mais ce qui l'inquiétait le plus c'était le mélange de ses compagnons avec des éléments étrangers. A cette situation il faut ajouter un désir brûlant d'accomplir le pèlerinage à la Mecque et de visiter le généreux Prophète (P.P.S.S.L), désir qu'il avait même révélé à certains de ses intimes... Muhammad B. Hamad, un de nos condisciples maures de la tribu des Banu Daymane, m'a informé qu'il avait eu à ce propos la conversation suivante avec Ahmadou Bamba en 1895 à TOUBA. - Veux-tu te rendre aux deux nobles Sanctuaires? - Mais si, au nom de Dieu! Qui pourrait m'en donner les moyens? - Va te préparer et rejoins-moi à la fin de cette année. A peine ai-je commencé à préparer ses affaires et celles de ma famille qu'Ahmadou Bamba quitta TOUBA. Alors j'ai dit: "Nous sommes à Dieu et retournerons à Lui". Cheikh MBACKE BOUSSO dit encore: "Troublé par un motif objectif consistant dans la confusion déjà signalé et un motif subjectif qui était son désir ardent d'accomplir le pèlerinage à la Mecque, Ahmadou Bamba m'a convoqué et m'a fait part de ses préoccupations et m'a consulté à propos de la fondation d'une résidence où il pourrait maintenir la séparation établie entre d'une part les deux principaux groupes de ses disciples: Les étudiants et les travailleurs, et, d'autre part, entre ceux parmi le premier groupe qui apprenaient le Coran et ceux qui apprenaient les sciences pour permettre à chaque groupe de se consacrer à son activité propre. Ensuite, il m'a appris qu'il voulait désigner Cheikh Abdou Rahmane LO pour assurer l'enseignement coranique, et son frère Cheikh Ibra Fati celui des sciences religieuses, et que seul ces deux hommes et leurs élèves seraient autorisés à le rejoindre à sa nouvelle
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résidence, toutes les familles y compris la sienne devant rester à TOUBA. Quant à moi, il m'a dit: "Tu resteras à TOUBA pour accueillir les visiteurs et recueillir leurs présents. Tu pourras m'envoyer celui que tu voudras et renvoyer chez lui celui que tu voudras. J'approuve toutes les décisions allant dans ce sens. J'ai approuvé son opinion et lui ait dit que c'était une opinion dont l'application serait bénéfique, s'il plaît à Dieu. Dés lors, il se mit à se préparer discrètement ne révélant ses intentions qu'a ses intimes. Quand il prit enfin la ferme résolution de partir, il jugea indispensable d'en informer son oncle maternel, mon propre père (qui m'avait laissé à sa disposition et n'intervenait jamais dans nos rapports comme s'il n'avait pas besoin de moi). Informé, mon père fut fort inquiet parce que conscient de la jalousie et de l'impatience des souverains du Djolof et sachant que ses habitants ne toléreraient pas que leurs enfants et leurs compatriotes rejoignent Ahmadou Bamba et que ceux d'entre eux qui le rejoindraient ne demeureraient pas ferme avec lui, à la différence des gens du Baol. En somme, il craignait qu'Ahmadou ne fût rejeté à la fois par les chefs temporels et les chefs spirituels du Djolof. C'est pourquoi en homme jouissant d'une longue expérience, il s’évertue à le dissuader en lui révélant les plus subtiles caractéristiques des habitants de ces contrées, lui qui savait que l'objectif de son neveu était inconciliable avec leurs habitudes Mais le Cheikh s'était déjà décidé et tenait fermement à exécuter sa décision à l'instar des grands soufis pour qui la détermination constitue un des principes fondamentaux de la Voie et qui considèrent la révocation d'une décision comme une concession au détriment de la foi, concession à laquelle ils préfèrent la mort. En substance, Ahmadou Bamba quitta au mois de Chawal de l'an 1312 (avril 1895) en compagnie de ses talibés et se dirigea vers le Djolof. Plusieurs facteurs déterminèrent son choix pour cette contrée. D'abord l'existence dans le Baol à cette époque d'un endroit qui lui convenait mieux, ensuite le fait que le Djolof était la patrie de ses ancêtres, enfin l'éloignement de cette contrée dont les habitants ne disposaient pas d'une force assez importante pour nécessiter de sa part une résistance armée (ce qui n'était d'ailleurs pas dans ses habitudes). Toujours est-il qu'il se fixa à MBACKE-BARI, une localité du Djolof et commença à construire une résidence. Au même moment, il s'entretint avec certains représentants du Roi du Djolof: Son intransigeance manifestée dés leurs premiers entretiens fit dire à ses interlocuteurs: "Nous ne sommes pas habitués de voir nos sujets nous traiter d'égal à égal." Ces hommes cherchent le pouvoir, ils sont venus nous le disputer sur notre propre territoire. Nous recevions leurs nouvelles depuis longtemps. Ils ne connaîtront pas la paix chez nous ils ne s'installeront même pas tant qu'ils n'auront pas changé d'attitude. Et des dires semblables corroborent la description que l'oncle d'Ahmadou Bamba lui avait faite de leur caractère... Quoi qu'il en soit, quand Dieu veut réaliser une affaire, il en prépare les moyens. Autrefois un poète dit: "Quand Dieu veut montrer une vertu que l'on cherche à dissimuler, il le fait sur la langue d'un homme jaloux".
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D'autre part, une des faveurs divines accordées au Cheikh consiste à l'engager dans la Voie de ses alliés. "C'est la Voie tracée par Dieu, que tu ne trouveras altérée" (48:23). Nul ne se voue entièrement à Dieu sans que Dieu l'éprouve par l'intermédiaire d'adversaires lui permettant préjudice. Dieu se comporte ainsi pour se réserver ses alliés jalousement en les empêchant de pencher vers un autre que lui. Il se dévoile à eux ou par sa beauté ou par sa Majesté. La 1ère sorte de dévoilement attire des hommes vers eux tels des papillons qui se précipitent dans le feu. Dieu leur soumet des hommes et leur ouvre les sources de Sa miséricorde, et les bienheureux tirent profit de leur compagnie. La seconde sorte de dévoilement rend des hommes hostiles à eux au point de devenir leur ennemis, de leur manquer de respect, de les considérer comme égarés et désapprouver leur conduite et celle de leurs adhérants. Ce qui n'exclut pas la protection providentielle dont ils jouissent souvent, protection dont Dieu ne prive que celui qu'il veut éprouver pour des raisons dont il se réserve la connaissance; ils laissent ses ennemis maltraiter celui-là pour les châtier dans l'Au-delà. "Certes, Nous châtierons les malfaiteurs" (32:22) - Que Dieu nous accorde le salut. Telle fut la situation d'Ahmadou et ses disciples après leur arrivée au Djolof. Quant à ses adeptes restés derrière lui, Cheikh MBACKE BOUSSO dit à leur propos: "Quand ils apprirent l'installation du Cheikh dans le Djolof, les adhérants de chaque contrée empruntèrent l'itinéraire le plus court pour se rendre auprès du guide. De même les "Mustarifidûn" 20[20] qui n'avaient besoin que de la personne du Cheikh, quittèrent TOUBA ou ne restaient que les habitants et les voyageurs en passage. Ce nouveau massif annule le plan qui prévoyait l’accueil et l'hébergement des visiteurs à TOUBA... et comment pouvaient en être autrement alors que la situation échappait à tout contrôle?" Les chefs traditionnels qui avaient vu les débuts du mouvement des Mourides, réalisèrent leur importance actuelle. Ceux qui ne les avaient pas connu, les connaissaient maintenant, la nouvelle de leurs disputes avec les souverains du Djolof s'étant répandue partout. Ainsi fumes-nous entourés d'ennemis de tous bords. Cependant, les souverains et leurs "ministres" qui ne vivaient que grâce aux massacres, à l'asservissement des hommes et au pillage de leurs biens (ce qui fut une vielle tradition héritée, de leurs ancêtres) ne pouvaient pas nous attaquer, d'abord parce qu'il était dans leur tradition d'épargner leurs méfaits à certaines grandes familles telles que celle d'Ahmadou Bamba ainsi que leurs protégés, en suite et c'est plus dissuasif encore - parce qu'ils avaient peur du puissant Etat français...Les français avaient l'habitude, chaque fois qu'ils avaient occupé un pays de le gouverner avec l'aide des chefs locaux par pitié des populations et pour se rapprocher d'elles! - Quels politiques! Ainsi, conformément à leur habitude, maintinrent-ils à la tête des sujets ces rois et "ministres" qui gouvernaient le territoire avant leur arrivée. De plus agissant sans la moindre opposition, ces derniers 20[20] Ceux qui étaient venus solliciter les prières du Cheikh
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durent se référer à des agents serviles du colonisateur (combien est transcendant l'autre qui agit sans opposition!)... Ne pouvant plus perpétuer leur vielle tradition pour les deux raisons soulignées plus haut, les chefs traditionnels tentèrent de persécuter les Musulmans par l'intermédiaire de leurs nouveaux maîtres. Dans une intéressante remarque, MBACKE BOUSSO souligne que les chefs traditionnels ne voulaient pas amener l’état à écraser les Musulmans, car ces derniers demeuraient leur "sujets" - même si leur autorité sur eux était devenu précaire. Ils cherchaient plutôt un prétexte pour s'emparer de leurs biens. C'est dans l'espoir de se voir autoriser à attaquer les Musulmans qu'ils disaient aux Français "Un tel vous hait, un tel refuse de s'acquitter de votre impôt, un tel s'attend à une imminente révolte, un tel s'arme et prépare des chevaux ou est bien écouté ou a de très nombreux partisans qui le vénèrent tellement que s'il leur donnait l'ordre de se jeter dans la mer, ils le feraient... Parmi d'autres mensonges produits de leur imagination. Les Français étaient certes trop avertis des questions politiques pour ajouter foi à leurs dires. Pourtant, à force de les entendre répétés par des homme qui prétendaient être leurs agents et collaborateurs, ces mensonges finirent par créer des soupçons chez les français. D'autant plus que les Français n'avaient jamais rencontré l'homme dont on leur parlait et ne l'avait connu que par de mauvais intermédiaires et d'autant plus que ceux-ci, pour appuyer leurs thèses comparaient le mouvement d'Ahmadou Bamba à ceux de ses prédécesseurs qui avaient dégénéré en des guerres sanglantes, comme ce fut le cas d'Al-Hadji Omar Foutï (1864), un toucouleur qui avait déclenché une guerre sainte contre ses compatriotes païens dans les années 1850-1860, et d'un Wolof du Saloum du nom de Malick BA surnommé MABA (M. 1867) qui mena une guerre sainte dans les année 1860-1870, et d'un autre toucouleur appelé Ahmadou Cheikhou qui entreprit une guerre semblable contre les habitants du Djolof et du Cayor et fut tué à la bataille de Samba Sadio en 1875. C'est grâce à ces procédés qu'ils réussirent à se faire écouter par les autorités coloniales qui désormais, se trouvaient dans l'obligation de vérifier les informations en leur possession. Mais au delà de tout cela, le décret irrévocable de Dieu constituait la cause la plus déterminante de l'arrestation par les Français de ce Seigneur pacifique qui n'a jamais troublé ni un berger dans ses pâturages ni même un fauve dans sa forêt et qui du reste était si éloigné des chercheurs de gloires terrestres que le couchant du levant. Avant ces événements il était inimaginable de voir Ahmadou Bamba en conflit avec un chef national à plus forte raison avec un puissant colon. Ce qui lui arrive ne fut que vérification de cette tradition du Prophète (P.P.S.S.L): "Les plus éprouvés des hommes sont les prophètes puis les saints puis les meilleurs". La règle fondamentale qui régit la vie religieuse de la communauté musulmane veut que plus la foi est solide, plus le croyant est détourné des honneurs et plus il subit des épreuves. Un hadith recueilli par Muslim et d'autres dit: "Le monde est une prison pour le croyant et un paradis pour les mécréants" et le Très-Haut dit: "La vie future est meilleurs pour les hommes pieux" (le Coran 43:34). Se trouvant ainsi dans l'obligation d'enquêter sur le mouvement d'Ahmadou Bamba, les
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autorités coloniales lui firent parvenir plusieurs convocations parce qu'il attendait un ordre de son Seigneur et de son Patron (P.P.S.S.L). Pour les coloniaux, ce retard traduisit la volonté de ne pas se rendre auprès d'eux. C'est pourquoi ils dépêchèrent à sa recherche un détachement peu important par rapport aux forces dont ils disposaient car la situation n'était pas encore alarmante à leurs yeux mais très important par rapport à nous. Telle était l'attitude de l’état à l'égard du Cheikh. CHAPITRE QUATRIEME LA DEPORTATION D'AHMADOU BAMBA Pour ce qui est d'Ahmadou Bamba, quant il reçut l'ordre de son Seigneur et de son Patron (P.P.S.S.L), il fit ses adieux à ce dernier qui établit autour de lui un "mur de sûreté" le protégeant de tout mal comme il l'a dit et écrit: L'Elu (que Dieu le salue ainsi que les siens et ses partisans) A établi autour de moi une barrière m'évitant tout mal Et m'a dit: "marche et ne craint pas la tromperie" Ce fut le samedi 18 Safar de l'an 1313 de l'Hégire (18 Août 1895) qu'Ahmadou Bamba quitta la résidence qu'il avait construit dans le Djolof pour l'acquisition et la diffusion de la science. Son départ coïncida avec le départ de Louga du Commandement de la troupe chargée de son arrestation. Ils rencontrèrent à Djéwal au soir du même jour. (C'est en Djumada II de cette année que naquit Muhammad al-Bashir fils d'Ahmadou Bamba) UN INCIDENT PRODIGIEUX Cheikh Banji NDIAYE, plus connu sous le nom de Banji Khojja, qui fut parmi les compagnons d'Ahmadou Bamba ce jour-là, m'a dit qu'à leur arrivée à Djéwal, ils manquèrent d'eau, car il n'y en avait que très peu dans la localité. L'aiguière du Cheikh était vide. Dans cette situation un inconnu se présenta inopinément, qui portait une outre pleine d'eau. Nous lui parlâmes sans qu'il pût nous comprendre, et nous lui tendîmes une vaisselle et il la remplit. Nous en bûmes et le Cheikh en fit ses ablutions, lui qui ne pratiquait pas le "Tayamnun" 21[21]. Pendant ce temps, l'individu disparut sans que nous eussions le moindre renseignement sur lui. Ce fut une "karûma (2) (Prodige) du Cheikh... Par ailleurs, voici ce que dit Ahmadou Bamba à propos de ce voyage: "Après la prière d'Asr, le commandant de la force coloniale vint me parler. Mais je me 21[21] Le "Tayamnun" consiste à se frotter les mains et le visage avec le sol propre en vue d'une purification rituelle. Cette pratique est tolérée en l'absence de l'eau ou dans le cas où son utilisation peut porter atteinte à la santé du fidèle.
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détournai de lui, me tournai à Dieu et récitai la Basmala (3) 50 fois, ce qui atténua son ardeur et apaisa sa fureur. Puis il alla vaquer à ses occupations, et nous passâmes la nuit dans cet endroit avec le 'ministre' noir (4)." A ce propos, il écrit ces vers également: Après avoir rencontré ceux qui allaient à ma recherche, les cœurs troublés, Nous allâmes vite ensemble à la rencontre du gouverneur. A l'heur de la prière d'Asr, nous priâmes tous ensemble dans l'humilité. Après la prière, nous rencontrâmes le gouverneur entouré de gardes et de visiteurs. M'étant détourné du gouverneur, je me tournai vers Dieu le Généreux Afin d'obtenir la satisfaction de mes besoins. Au même moment, je récitai la Basmala 50 fois avec l'humilité. Pour obtenir l'aide de celui à Qui aucun ennemi ne peut résister Le gouverneur sortit vite vaquer à ses occupations. Et je passai la nuit dans cette localité et y restai jusqu'à... (Par "visiteurs", il fait allusion à son mouride Omar NIANE, le Cheikh de Gandiar NIANE, localité située prés de Louga. En effet, Omar jouissait d'une grande considération auprès du Cheikh et lors de sa mort, le Cheikh lui attribua de nombreuses faveurs et lui promit une récompense égard. Omar fut enterré à Diourbel). Revenons en au voyage d'Ahmadou Bamba qui quitta Louga sous l'escorte de l'armée dont les soldats le connaissaient et respectaient et se réjouissaient même de sa compagnie. Mais un de leurs supérieurs fut son ennemi. Dieu sait ce qu'il en fut. Ahmadou affirme que cet homme était le gendre du gouverneur de Dakar et ce fut la raison pour laquelle étaient acceptés tous ses jugements à son encontre. Il fut, dit encore Ahmadou Bamba, mon principal accusateur. Il ne disait ni ne faisait rien de bon à mon égard et ne tolérait non plus qu'un autre le fit. Il décida de m'expatrier malgré l'opposition de ses collègues. Sa décision coïncida avec le décret et le jugement de Dieu. Si mon séjour à Saint Louis si prolongea c'est parce qu'il mirent du temps à mettre d'accord sur mon sujet. Puis il cite ce verset: "Rappelle l'heure où les infidèles rusaient pour t'emprisonner ou te tuer ou t'expulser, ils rusaient, mais Dieu aussi rusait, et Dieu est le meilleur de ceux qui rusent 22[22]. Certains des membres du conseil (tenu pour décider de mon sort), poursuit-il, proposèrent de me mettre en résidence surveillée à Saint Louis. Cette proposition fut adoptée à l'unanimité. A ce propos, j'ai dit: Dieu a inspiré à ceux qui m'avait arrêté l'idée de m'exiler en des pays lointains Où j'ai acquis pourtant de grandes faveurs, Ainsi se vérifia la parole divine: "Dieu est le meilleur de ceux qui rusent". En effet, en face des trois propositions citées plus haut (la mise en résidence surveillée, l'exécution et 22[22] Cf. le Coran (8:39). Il ne faut pas entendre le terme "ruser" au sens littéral, car il signifie ici que Dieu a fait échec au complot mijoté contre Son Envoyé. La "ruse" de Dieu désigne le procédé par lequel il châtie ses ennemis
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l'expatriation), Dieu m'a récompensé de trois faveurs. Il est vrai que, lors de ma déportation j'avais atteint le rang des grands Cheikh en matière d'Islam, d'Iman et d'Ihsan, mais je poursuivais encore un triple objectif dont l'irréalisation me troublait et constituait le coup le plus dur. Il s'agit de la perfection de l'Islam consistant dans la certitude, et la perfection de l'Ihsan consistant dans l'arrivée à Dieu Très-Haut. Cet objectif ne se réalisa que grâce à mon séjour parmi ces coloniaux (rusés) quoique leur fréquentation engendre habituellement la perte de la foi - Que Dieu nous en protège! CURIEUSE ANECDOTE Cette anecdote m'a été racontée par Ahmadou Bamba à propos de son principal accusateur qui avait exigé son exil: "Pour ce qui est du sort de ce colon, dit Ahmadou Bamba, j'ai appris pendant mon exil qu'il était tombé en disgrâce et que, à la suite de l'examen de son cas, il a été décidé de l'affecter à l'île où il m'avait envoyé. C'est un châtiment divin. A ma grande surprise, on m'apprit que cet homme se trouvait dans l'île. Par honte ou par peur, il passa dans l'île un temps en évitant de me rencontrer. Pourtant il disait à celui qui était chargé de me surveiller: "Ne fais pas de mal à ce marabout. Car il fut à l'origine de ce qui m'est arrivée. Ne fais que lui remettre sa pension mensuelle". Cette recommandation changea considérablement l'attitude de son interlocuteur et rendit l'exil moins pénible. Ainsi Dieu amoindrit-il grâce à lui les maux qu'il avait causés. Plus tard, il fut affecté à Kaya où un sorcier Bambara l'ensorcela et il mourut misérablement dans la case d'une Bambara. "Regarder le sort que subissent les injustes" (le Coran 10:39). Le destin de cet homme ressemble à celui d'Amir Ibn Tufayl, un ennemi du Prophète (P.P.S.S.L), qui tomba malade et se réfugia dans la tente d'une femme de la tribu de Salîl et se plaignait de son sort en disant: Serais-je atteint d'une gale comme un pauvre chameau! Mourrai-je si misérablement chez une salûlienne! Dans un poème composé sur les lettres du verset: "Tel est le Paradis qui a été promis aux pieux...Voilà la fin de ceux qui pratiquent la pitié..." (le Coran 13:35). Ahmadou Bamba dit encore à propos de cet injuste agent des autorités coloniales: L'injustice que je subissais a été écartée grâce à l'aide d'un puissant Qui a brisé l'arme de l'homme orgueilleux. Je lui suis reconnaissant d'avoir tué l'homme qui a rusé (contre moi) En l'an 1313 (1895) et dont la mort m'a tranquillisé Il ne cherchait qu'à me vexer. Mais après de grand efforts, il échoua. Surpris par le châtiment de mon Seigneur, Il erra dans les îles et sur la terre ferme Après avoir été trahi par ses collègues. Le Ministre africain (cité plus haut) était un musulman dont la famille est bien connue. Mais je me tais sur lui par crainte de souiller ma plume! J'en ferai de même à l'égard de
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son frère christianisé, l'administrateur colonial qui se moquait d'Ahmadou Bamba chaque fois qu'il le rencontrait. Dieu s'occupera d'eux. J'ai d'ailleurs vu ce que Ahmadou avait écrit à propos de ces hommes. Nombreuses personnes qui les connaissent bien m'ont informé que l'un et l'autre ont subit une triste fin. Celui qui servait au Sénégal mourut à Dakar et celui qui servait dans les autres colonies mourut à Conakry. (Que Dieu nous protège ainsi que tous les musulmans de leur sort. Amen!) Revenons en au voyage du Cheikh (Que Dieu Très-Haut l'agrée). A ce propos, il dit: "Ce jour-là, j'ai souvent récité (ce verset): Certes, mon allié c'est Dieu qui a révélé le Livre: C'est lui qui s'occupe des pieux gens, (le Coran 7:196)". C'est ce qu'il entendait quand il dit: A Djéwol, Dieu a désespéré Iblis de moi, Quand je l'ai invoqué en disant: "O Mon Allié!..." Le Cheikh y passa la nuit. Après la prière du matin, il quitta cet endroit pour Coki où il passa la journée. A partir de ce moment, il commença la composition de son poème comprenant les noms des compagnons qui avaient assisté à la bataille de BEDR en l'an 2 de l'Hégire. A ce propos, il dit: Après avoir passé la journée (à Coki), j'ai commencé La composition d'un poème qui m'a valu une grande récompense. C'est à la fin d'une journée de Dimanche qu'il quitta Coki après la prière d'Icsha. Certains compagnons du Cheikh dans ce voyage m'ont précisé qu'il quittèrent Coki la nuit du Lundi à l'apparition de la lune. Nous partîmes, ajoutent-ils, alors qu'une pluie fine tombait. Quant au Cheikh, il dit: Cette nuit là j'étais monté sur un jument si rapide que les chevaux des gardes se donnaient grand peine pour le rejoindre. Parfois un des gardes me disait, Marchons doucement, ne nous fatiguons pas. - Mais, venez! Comment des hommes dépêchés par leur chef pour accomplir une mission se permettent-ils de marcher doucement? leur disais-je. Et ils se taisaient. A ce propos, il dit également ce vers: Après avoir passé la journée à Coki, nous reprîmes la marche avec fermeté à l'issue de la prière d'Icsha malgré les difficultés. Nous arrivâmes à Louga avant la prière du matin Après que j'eusse passé la nuit en marche en récitant ... et en éperonnant mon cheval. Il récitait ces deux vers de Boussayri (1212-1996) Même les lions les plus féroces reculent Devant un homme qui jouit du soutien du Messager de Dieu. Pour sa grande vénérabilité, ce Messager, même étant seul, s'imposait comme un homme entouré de gardes et de Partisans
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Il éperonnait son cheval pour qu'il fut plus rapide. Puis nous arrivâmes à Louga avant la prière du matin et y passâmes la journée, dit encore Ahmadou Bamba. Il m'est raconté que, quand il se trouvait à proximité de Louga, un agent de l'administrateur coloniale qui sympathisait avec lui, lui conseilla de se préparer à la rencontre de ses ennemis. D'un ton sûr, Ahmadou Bamba lui dit: Dieu est Tout-Puissant et ne tarde pas à accorder son soutien à son allié. Après leur arrivée à Louga, le même agent se rendit de nouveau auprès d'Ahmadou Bamba et lui dit: Naguère je t'avais conseillé de vous armer parce que tu allais rencontrer tes ennemis et tu m'as dit: Dieu est Tout-Puissant et ne tarde pas à accorder son soutien à son allié. Je voudrais savoir le rapport entre mon conseil et cette réponse. J'entendais, dit le Cheikh, que rien n'était caché à Dieu Très-Haut: ni les entités ni leurs particules, et qu'il est omniprésent et que, s'il veut me défendre, aucun ennemi ne pourra me faire du mal et si, au contraire, il ne veut pas me défendre, personne ne pourra le faire. Si Dieu fait qu'un mal te touche, il n'est personne alors pour te le repousser que lui. Et s'il te veut un bien, il n'est personne alors pour repousser sa grâce...(le Coran 10:107). Le Très-Grand Dieu a dit la vérité et notre Seigneur son Généreux Messager, nous l'a bien longtemps transmis. L'agent partit-il satisfait. Car le Cheikh lui a montré son état d'abandon de Dieu. Sa part de l'héritage spirituel du Prophète (P.P.S.S.L) qui disait "l'abandon de Dieu, c'est mon état et l'utilisation des moyens ordinaires est conforme à ma sunna celui qui se sent trop faible pour imiter mon état". Le Cheikh avait donc hérité une immense part de l'état du Prophète (P.P.S.S.L) et demander à Dieu de leurs livrer du Feu: Sa connaissance de mon état me dispense de le lui demander! Le Cheikh fut Muhammadien par caractère et Abrahamien par préoccupation. Il amalgamait dans sa conduite la conformité à l'état du Prophète et l'application de la Sunna. Voici maintenant un exemple de son application de la Sunna: un jour, il nous a montré un poème composé sur les lettres du verset :"Dieu nous suffit et quel excellent protecteur Il est"(le Coran 3:175). Et nous a dit: J'ai sollicité la protection divine dans ce poème à la veille de mon départ du Djolof après que le Messager de Dieu eût assuré ma protection et m'eût autorisé de partir en me disant: "Marche et ne crains aucun mal". Je reproduit le poème dans son intégralité afin que puisse l'utiliser tout musulman désireux de se protéger d'un mal et afin de montrer qu'il lui avait été révélé qu'il serait protégé contre ses ennemis. (N'oubliez d'ailleurs pas que "l'heur du vendredi" (1) se situe entre la prière d'Asr et le coucher du soleil). Voici le texte du poème. Je loue celui qui me préserve des méfaits De tout démon, Djinn ou être humain. Qu'il est transcendant ce Seigneur protecteur Auprès de qui je cherche protection contre l'épreuve et le châtiment Je sollicite à tout moment Sa protection contre mes propres pas
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Contre le Diable ainsi que tout ce qui est de nature à nuire. Je me suis résolu à continuer de l'invoquer en demandant l'intercession de Son Ami, le plus privilégié des intercesseurs: Ahmadou le Seigneur des hommes que je salue. Tout en demandant son intercession auprès de mon Seigneur Je demande à Mon Seigneur de me protéger par considération pour lui des calamités et des attentats des agresseurs. O Mon Seigneur, les créatures t'appartiennent; protège-moi donc Contre elles, ainsi que contre toute épreuve et châtiment O préservateur, je te confie mon âme; Et tu demeureras toujours mon Compagnon. Accorde-moi ce que je désire ici-bas comme dans l'Au-delà Et protège-moi de la honte dans cette vie là comme dans la vie future O Seigneur! je me suis tourné vers TOI Avec l'aide de mon Intercesseur qui me suffit Mets-moi à l'abri de tout ce qui nuit Ecarte de moi tout ce qui trouble l’esprit. Dissuade les ennemis tous par l'intermédiaire du Prophète (P.P.S.S.L) Et des généreux et vaillants soldats du BADR. Accorde-moi la faveur d'entrer tranquillement Dans ton rempart bien gardé où l'on est à l'abri des ennemis. C'est à Toi que je m'en remets toujours de l'entretient de mes affaires Car tout homme qui se réfugie auprès de Toi ne sera jamais repoussé De même que Tu m'a préservé de l'impiété Protège-moi Ô Bienfaiteur des méfaits des impies de toutes les épreuves Empêche les mains des soldats de me toucher, Par l'intermédiaire des soldats de Badr, et fait d'eux mon escorte O Bienfaiteur! Ne me déconsidère pas; Sois en ma faveur Dans cette vie comme dans la vie future, et pardonne-moi Accorde éternellement salut et paix A l'Elu ainsi qu'aux siens et à ses Compagnons Ils revinrent donc avec un bienfait de la part de Dieu et une grâce, que nul mal ne les toucha; et ils visèrent l'agrément de Dieu. Dieu est détenteur d'énormes grâces (le Coran (3:174)). Puis il dit: Louange à Dieu qui nous a guidé (le Coran (7:43))... et la fin de leur invocation: Louange à Dieu, Seigneur des mondes (le Coran (10:10)). Regardez comment il se protège en utilisant cette parole (le Coran (3:174)) que Dieu a louée comme il a loué les compagnons qui l'avait utilisée jadis et dont il parle ainsi: c'est à eux que l'on disait: "Oui, les gens se sont rassemblés contre vous, craignez-les". Cela accrut leur foi, et ils disaient Dieu nous suffit: "Il est la meilleur garantie"(3:173). A ces prétentions spirituelles s'ajoute une autre exprimée ainsi: quand le commandant européen de l'armée vint me parler lors de notre rencontre à Djéwol, je me suis détourné de lui et me suis tourné vers Dieu avec humilité en demandant sa Protection. J'ai récité la formule AU NOM DE DIEU, LE CLEMENT, LE MISEROCORDIEUX 50 fois. Alors sa dureté s’atténua et sa colère s'apaisa. Dit Ahmadou Bamba. J'ai appris de source sûre que
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durant l'exil d'Ahmadou Bamba, son frère, Cheikh Ibrahim, faisait dire tous les jours matin et soir 100 prières sur le Prophète (P.P.S.S.L) avec l'utilisation de cette formule: Mon Seigneur, Prie sur notre Seigneur MUHAMMAD une prière grâce à laquelle tu nous préserveras de toutes les terreurs et malheurs et satisferas nos besoins et nous purifieras de tous les défauts et élèveras nos grades et nous aideras à atteindre le sommet du bien dans cette vie et dans l'autre. Cette prière était dite après la lecture du Coran de bout en bout. Cette lecture était effectuée matin et soir avant le départ du Cheikh pour l'exil. Quant à la prière, elle n'était pas dite de façon permanente. Il se peut que sa perpétuation fût un ordre du Cheikh ou une initiative de son lieutenant pieux et soucieux de sa sécurité et de son retour. Cheikh Ibrahim a désigné un groupe chargé d'effectuer cette prière matin et soir. Le groupe était dirigé par un jeune homme originaire de Coki nommé Samba DIOP, plus connu sous le nom de Samba Ashtou. Cet homme pieux mourut au terme d'une longue vie (Que Dieu Très-Haut lui accorde Sa Miséricorde). Une autre de ces mesures de protection consiste dans la composition d'un poème où il demande à Dieu d'assurer sa protection par l'intermédiaire des soldats de BADR. Ce poème fut écrit pendant le séjour du Cheikh à Saint Louis. Il y affirmait que ces dits soldats l'accompagneraient dans son exil et humilieraient toute personne lui voulant du mal. Il montra le poème à certains dignitaires saint-louisiens dont Al-Hadji Ahmad NDIAYE Mabèye à qui il recommanda d'apprendre par cœurs le premier vers du poème et le garder en mémoire jusqu'à leur prochaine rencontre. Celle-ci eut lieu sept ans et quelques mois plus tard, et le pieux Ahmad NDIAYE lui rappela le vers et pleura longuement (Que Dieu répands sa miséricorde sur lui). Voilà quelques unes parmi tant d'autres mesures de protection qui ne nous sont pas révélées. Un jour, je l'ai entendu dire que durant son exil il n'a cessé de lire. La collection de la mer établie par l'Imam As-Chadhlie (M. 656). Il s'agit d'une importante collection (Hizb). L’intérêt que le Cheikh y a porté suffit pour prouver son importance. Revenons en au vers qu'Ahmadou Bamba recommanda à Ahmad NDIAYE Mabèye d'apprendre par cœur. Il débute (comme nous l'avons dit) un admirable poème dans les quinze premiers vers duquel Ahmadou Bamba révèle certains secrets de son séjour parmi ses ennemi et affirme qu'il demeurait à l'abri de leur méfaits et qu'ils étaient trompés par Iblis (le diable) qui leur avait suggéré toutes sortes de soupçons à égard. Leurs soupçons furent dissipés, et il retourna chez lui indemne. Voici le poème: Je marchais en compagnie de Pieux, quand je marchais. Pourtant les ennemis me prenaient pour un captif Grâce au Prophète, ma marche vers Dieu s'effectue en compagnie des meilleurs. Et je ne me dirige point vers un autre que Dieu Je me déplace grâce au "Jadhb": l'attraction divine qui m'a amené A un Généreux à qui il est facile de réaliser mes objectifs. Ma reconnaissance exprimé par ma plume, par mon cœur et mon
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corps est réservée au digne de reconnaissance qui intervient à Al-Joudi 23[23] Soutient, renforcement et protection contre les ennemis Me sont accordé par le Très-Généreux, car il est l'Assistant Mon Intercesseur demeure mon guide pendant mes déplacement et mon séjour Et je demeure son Serviteur, lui qui est le Serviteur secourable bien récompensé Ma reconnaissance pour le service rendu à l'Elu bien récompensé Est garantie par le Très-Généreux pour sa générosité. Mon vœu, c'est de demeurer un esclave du Propriétaire d'ARCHE Et un Serviteur de la meilleur créature: l'Avertisseur. Grâce à lui, le Protecteur me préserve des méfaits des ennemis Et de tout mal, car lui, le Très-Haut, est protecteur. Mon destin, c'est que je suis son esclave et le serviteur du Prophète Le destin des créatures dépend, en effet, de Dieu. Les mois comme les jours de ma vie, attesteront demain Que je suis un esclave soumis à Dieu, ce qui est déjà connu. Le pardon dont je suis dans ma vie présente et future résulte! des éloges que je fais à Muhammad En poésie et en prose. Quel bon moyen d'obtenir le pardon! Ma semence, c'est le livre de Dieu et la Sunna Grâce à laquelle je me préserve des visées d'un calomniateur. Mes maisons ont été évacuées, mes adeptes dispersés Pour les éloges que je fais à celui que l'on ne saurait louer suffisamment Le trompeur (le Diable) à trompé les coloniaux par ses subterfuges Et leur a suggéré des soupçons. Or les soupçons induisent en erreur. Après la prière d'Asr, dit Ahmadou Bamba, nous montâmes dans une automobile pour nous rendre à Saint-Louis où nous arrivâmes peu avant le coucher du soleil. A propos de son séjour à Saint-Louis, il dit encore: Par l'intermédiaire des vaillants soldats de BADR; Dieu a dissipé mes soucis à Saint-Louis... Nous restâmes ensemble dans la ville Dans une atmosphère tendu et sous une surveillance renforcée. J'y ai passé les dix derniers jours du mois de Safar et la totalité des jours de Rabicu dont le dernier fut un jeudi. Pendant ce temps j'ai terminé et révisé mon poème comportant les noms des soldats de Badr. Par ailleurs, j'ai reçu un grand nombre des dignitaires de SaintLouis et ses environs. Les chefs du Ndiambour sont venus me faire part de leur volonté d'intervenir en ma faveur auprès des autorités coloniales et je leur ai dit de m'abandonner à mon Seigneur qui est plus compatissant avec moi et connaît mieux mon intérêt. Alors ils s'abstinrent. Ensuite Ahmadou Bamba comparut seul sans un autre compagnon que Dieu devant les membres du conseil chargé de l'interroger et juger. "Il nous est parvenu que tu as fait ceci et cela..." lui disent-il. "Faites venir votre informateur, car s'il était présent, on saurait 23[23] C'est le nom de la montagne sur laquelle l'arche de Noël s'arrêta après le déluge
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immédiatement la vérité" répondit-il. Puis ils citèrent des accusations inimaginables de la part du moins raisonnable des hommes à fortiori d'un homme de son envergure. Il s'agissait de fausses informations colportées par des calomniateurs à qui la jalousie avait ôté tout pudeur. "Satan les avaient incités à des manœuvres diaboliques et leur avaient dicté des paroles calomniateurs" (le Coran 47:25). Ils avaient proféré des mensonges grossières indignes du moins averti parmi les tenants du pouvoir temporel à plus forte raison d'un sage ayant renoncé à ce pouvoir. Toujours est-il qu'après avoir été jugé, Ahmadou Bamba fut mis dans une automobile à destination de Dakar où il arriva peu avant le coucher du soleil et fut installé dans une maison... Comme il avait jeûné ce jour là, il s'apprêtait à rompre son jeûne et à prier quand un agent se présenta, qui le conduisit dans une cellule très obscure, très chaude et humide qui dégageait une odeur nauséabonde. Le Cheikh comprit alors que c'était une épreuve que Dieu avait voulu lui infliger et devant laquelle il n'existait d'autres moyens que de recourir à lui avec patience, satisfaction et reconnaissance, car il peut écarter des malheurs plus importants. Ainsi se mit il à réciter ce verset: « Certes, nous sommes à Dieu et c'est à lui que nous retournerons » 24[24] « J'ai passé cette nuit, dit Ahmadou Bamba, en récitant les deuxième et troisième sourates du Coran grâce auxquelles je fus préservé de ce qui mène à l'enfer et entraîne la honte, et je fis suivre à cette récitation la prière pour le Prophète, la meilleure créature. Aussi fus-je tranquillisé grâce à Dieu et à son Messager (P.P.S.S.L). « C'est la mention du nom de Dieu qui, en réalité, apaise les cœurs » (le Coran 13:29). Grâce à Dieu, ma nuit redevint paisible ». A propos de cet événement, le Cheikh dit encore: A Dakar, Dieu a écarté de moi Tout préjudice provenant d'un homme rusé. Quand je me souviens de cette nuit-là De cet agent colonial et de la tranquillisation, Je songe à recourir aux armes Puis j'y renonce, car Dieu me défend L'EMBARQUEMENT D'AHMADOU BAMBA DANS UN PAQUEBOT A DESTINATION DU GABON Puis, dit Ahmadou Bamba, nous prîmes nos places dans un paquebot le vendredi (1) 1er Rabicu au matin. Le paquebot passa la journée du vendredi et la nuit du samedi en rade. Pendant ce temps, je reçus un groupe de Mourides dirigés par IBRA FALL venus me faire leurs adieux, les yeux en larmes. 24[24] Cf. plut haut, p.18, la note portant sur cette formule
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A propos de cette situation, il dit encore: A bord du paquebot, le Clément m'a appris Que j'étais le serviteur du chef de Médine. Le paquebot, plein de voyageurs, Passa la journée du vendredi et la nuit du samedi en rade. A bord de ce paquebot bien plein Je reçu mon adepte alors qu'il était bien attristé, Et je lui fis mes adieux et regagnai ma place, le cœur bien éprouvé Il reçut également une personne venue l'informer de l'arrivée d'un nouveau gouverneur qui n'avait pas encore pris contact avec les noirs. Son serviteur lui a conseillé d'écrire à ce gouverneur pour lui prouver son innocence et demander sa libération. Sous l'insistance de cet homme, dit-il, j'acceptai son conseil et pris ma plume. Mais, à peine traçai-je une ligne que le Seigneur des créatures me parla. "Tu oses te plaindre auprès d'une créature comme toi au lieu de MOI?" Alors je faillis mourir de peur et de honte puis j'effaçai la ligne. Quand l'homme insista de nouveau, je lui fis savoir qu'il m'était impossible de continuer. (Observons que la manière dont le Seigneur adresse la parole à ses serviteurs privilégiés n'est connue que de ceux qui méritent cette faveur. Le simple croyant doit admettre la possibilité de ces entretiens, et même s'il ne peut pas en concevoir la modalité, il ne doit pas le nier). A propos de cet incident, Ahmadou Bamba dit: L'envoyé du gouverneur m'a conseillé D'adresser une lettre au nouveau gouverneur venu de France. J'ai accepté d'abord le conseil, puis j'ai regretté Et effacé ce que j'avais déjà écrit. Au même moment l'ordre me fut donné d'écrire Et j'écris le poème bien agréé. Afin de mentionner le nom de celui qui montre sa VOIE Par mon intermédiaire. Le « poème bien agréé » dont il est question ici est celui composé sur les lettres du verset coranique "Et je confie mes affaires à Dieu, car Dieu est observateur des serviteurs" le Coran (40:44) et qui commence par: Je consacre mes écrits au service du Roi De la terre, du ciel et des rois... Le paquebot quitta Dakar le samedi 2 Rabic II et fit une escale à Conakry où un homme originaire du Saloum vint rencontrer le Cheikh à bord, lui offrit un précieux cadeau et lui dit: "j'ai appris que tu allais arriver à bord d'un paquebot à destination du Gabon et je suis venu te rendre visite pour que tu pries pour moi et me donnes des conseils" C'est grâce à cet homme, dit le Cheikh, que j'ai su pour la première fois le nom de mon lieu d'exil. J'ai prié pour lui et lui dit en guise de conseil: "O frère, Sache où que tu sois qu'il n'y a de Dieu
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que Dieu, et que quiconque s'adresse à un autre que lui saura qu'il n'ya d'autre Dieu que lui, et que quiconque se dirige vers lui sous la direction d'un autre que MUHAMMAD, saura que Muhammad est le Messager de Dieu" Puis il me fit ses adieux et partit. Puis il raconte que leur escale suivante était Grand Bassam et parle d'une personne qui se moquait de lui avant leur arrivée à cette ville. Dieu, dit-il, me débarrassa de lui par sa sagesse. Cet homme s'embarqua dans le paquebot à Conakry, mais il n'apprit m'a présence à bord que peu avant notre arrivée à Grand Bassam. Et ce fut alors qu'il se présenta et m'interpella. Quand je le regardai, il m'a dit: "J'ai appris que c'est mon frère qui t'a arrêté à cause du bruit que tes adeptes faisaient autour de toi, etc..." A cet instant, la sirène du paquebot hurla, et l'homme attendit le silence pour continuer son discours. Mais les hurlements ne cessèrent jusqu'à notre entrée dans le port où il débarque parmi d'autres passagers. Et j'ai remercié Dieu. A ce propos, Ahmadou Bamba écrit dans un poème: A Conakry, j'ai donné un "présent" désintéressé et incontesté A l'Elu, l'Effaceur. Dieu m'a délivré à Conakry De tout ce qui entraîne le mal A Grand bassam, Dieu a éloigné de moi Celui qui cherchai à me provoquer Par "ce présent", il entend les propos qu'il avait dit à son visiteur à Conakry au sujet de "il n'y a point de dieu que Dieu" (dogme qu'il aurait contesté si Dieu ne l'avait pas protégé de l'égarement) et non pas le présent matériel de son visiteur. A propos de son escale au Dahomey, il évoque un honneur que Dieu lui fit: "Je reçu l'ordre de jeter dans la mer une bouteille de musc que je gardais pour en parfumer mes vêtements et livres. Sans hésiter, je le jetai. Quand le bateau accosta, une foule de musulmans informés de mon arrivée vint me saluer. Tous ou la plupart d'entre eux me donnèrent des bouteilles de musc". A propos de cet incident il écrit: Au Dahomey, le Miséricordieux m'a donné Des biens me dispensant du marchandage. Le "Miséricordieux" signifie celui qui accorde des grâces. Celles dont ils s'agit ici font partie des plus subtiles... Evoquant une autre des grâces que Dieu lui accorda au cours de son voyage, il dit: "le capitaine du paquebot vint me rassurer et me témoigner de sa sympathie et de sa désapprobation de ma déportation et disait souvent que j'étais innocent. Le médecin de l'équipage également venait me rassurer et me témoigner son amitié et sa disponibilité à fournir toute aide nécessaire. De même un jeune chrétien de l'équipage à qui Dieu avait inspiré mon amour, vint me servir comme un mouride". Il dit également que tout au long de son voyage, Dieu l'a entouré de bienveillance et qu'il a demeuré tranquille d'esprit jusqu'à son arrivée à Libreville "où je restai peu de temps avant d'être transféré dans l'île où je passai cinq ans. Pendant ces années j'étais devenu comme le soleil:" Il entend souligner la hauteur de son rang, sa renommée et son utilité.
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Il affirme à juste titre que, au cours de cette période il a composé mille écrits incomparables dans leur beauté et leur utilité et portant tous sur Dieu, Son Messager et Sa Religion: l'ISLAM. L'île en question était celle de MAYOMBE. Car Ahmadou Bamba précise: sur la côte de cette île, je me suis adressé à la mer en ces termes: Témoigne, ô mer de Mayombé, que je suis l'esclave du Pardonnateur Et le serviteur de l'Elu; Témoigne que je ne flatterai jamais un idolâtre Et que je demeurerai l'ami intime de celui qui m'a entouré d'honneur Puis il dit: Ô mer, Professe l'Unité divine et non point la Trinité. Car notre Seigneur transcende la Trinité. Quel Généreux Seigneur Continue de t'agiter et d'écumer par crainte De Dieu, et témoigne que je suis Son esclave bien soumis Il affirme également qu'après l'île où il a composé les écrits cités plus haut, il fut transféré dans une autre où il vécut péniblement trois années et quelques mois tout en poursuivant le service du Messager de Dieu (P.P.S.S.L). Une fois, un jeune européen, se présenta à moi armé d'une épée. En passant l'épée au dessus de ma tête, il me demanda si j'étais bien Ahmadou Bamba. Quand je répondis affirmativement, il me dit, Prend garde. Car je suis le descendant d'un tueur des saints hommes! Avec ma plume, je fis un geste en sa direction en lui parlant d'un ton dur comme si j'allais me jeter sur lui: Saches que tu n'es pas ton aïeul, tueur, et que je ne suis pas comme ceux qu'il a tués. Alors il trembla de peur et disparut... Dans une autre occasion, fut annoncée l'arrivée prochaine d'un chef européen, et des journées entières furent consacrées au nettoyage des rues et à l'implantation des drapeaux. Puis le chef arriva dans l'île en compagnie de ses gardes. Sitôt débarqué, il me demanda. Quand il fut conduit dans ma chambre, il me salua, tint des propos respectueux à mon égard puis il s'avança, histoire de me serrer la main. A peine lui tendis-je ma main que j'entends cette parole divine venue du ciel comme une foudre: "O croyants, les polythéistes sont impures (9:28)". Ceci me fit perdre ma lucidité, et j'écartai ma main si violemment qu'il perdit son équilibre, recula un peu puis il s'arrêta longuement comme pour réfléchir sur mon geste. Pendant ce temps, je continuais à écrire. Une heure plus tard, il appela son interprète et s'entretint longuement avec lui. Puis l’interprète revint me dire: "le chef te salue et te prie de ne pas lui en vouloir, car il n'est pas de ceux qui te haïssent ni de ceux qui t'ont tracassé, arrêté et expatrié. Loin de là, il t'aurait même rapatrié, s'il en avait le pouvoir. S'il a débuté son séjour par ta visite, c'est parce qu'un de tes compatriotes sénégalais qui est son ami intime lui avait vivement conseillé de te rendre visite et de te transmettre ses salutations. Car tu es l'un des hommes les plus chers à lui. C'est pourquoi sa visite n'était qu'amical". Ensuite, je demandai à l’interprète de l'informer que mon geste n'était pas dicté par la haine... Toujours est-il que le chef quitta les lieux apparemment satisfa
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Quand il fut installé, on me conseilla de lui faire un présent. Je lui envoyai une grosse boite de gâteau européen extrêmement délicieux, et il fut content de ce présent et m'en remercia bien. Si un tel comportement émanait d'un homme cherchant à passer pour un brave résistant, il lui nuirait. Mais il n'y a pas de mal à craindre pour celui qui agit conformément à l'ordre de Dieu. Dieu merci. Il me plaît ici de citer les vers d'Ibn Handal, le versificateur des prodiges du Cheikh: Beaucoup de tyrans qui se promenaient Avec fierté dans leurs uniformes militaires Et commandant des dizaines de milliers de soldats Sans avoir jamais songé aux ordres et interdictions de Dieu Ont subi une défaite humiliante Grâce à votre victorieuse épée bien affûtée et tranchante. C'est là une victoire accordée par Dieu à l'esclave serviteur Victoire grâce à laquelle des soldats chrétiens Sont devenus comme ses partisans. S'il avait divulgué ses secrets, il aurait étonné les hommes Mais sa poitrine est demeurée la tombe de ses secrets. Parmi les événements prodigieux de son exil, Ahmadou Bamba cita encore l'apparition des soldats de Badr. "Ce fut dans une île où je fus logé avec les soldats comme un d'entre eux. Ils jouaient, buvaient et fumaient devant moi, et je supportais fermement ces actes gênants, sachant que les deux anges chargés de noter les actions des hommes responsables étaient avec nous et que comme ils pouvaient tolérer ce qui se passait sous leurs yeux par obéissance à leur Seigneur, je devais à mon tour en faire de même. Un jour, arrivés à leur aire de manœuvre, ils trouvèrent des soldats coiffés de turbans, montés sur leurs propres chevaux et en position de combat. Ce spectacle les effraya et ils restèrent un moment stupéfaits. Leur chef menaçait de tuer quiconque diffuserait la nouvelle de l'incident. Au matin, les soldats [Célestes] disparurent et la nouvelle fut cachée aux civils. Quelques jours plus tard, l'administration me convoqua et me tint des propos amicaux. Au cours de notre entretien, il me dit: - Peut être a-tu des partisans qui t'aideraient si tu tentes un coup? - Quel genre de partisans s'agirait-il, des djinns ou des hommes? - Tu le sais mieux - Je fis semblant de ne rien savoir, et il se tut Des savants ont demandé au Cheikh Ahmadou Bamba le but de cette apparition des soldats de Badr et la nature des soldats et s'ils étaient accompagnés du Prophète
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P.P.S.S.L). Il répondit que l'apparition eut pour but de dérouter les ennemis et que les soldats étaient des anges dirigés par le Prophète. A propos de cet événement, il écrit les vers suivants: A Libreville, mes vœux furent exaucés Par Celui qui m'a accordé ce qui est caché aux autres saints. M'a envoyé les vaillants soldats de Badr Celui qui déroute jaloux et calomnieux Dieu m’amène où que je sois les secrets Rassurant de "il n'y a point de dieu que Dieu" Ce qui est caché aux autres saints, dit-il, c'est l'apparition dans cet endroit sauvage des soldats de Badr, etc...Par les secrets rassurants de "il n'y a point de dieu que Dieu", il entend le contenu de la parole du Très-Haut: "S'il te veut un bien, il n'est personne alors pour repousser sa grâce (le Coran 10:107). Ailleurs, il observe que chaque fois qu'il emploie l'expression les heurts et malheurs que la formule il n'y a point de dieu que Dieu apprend le croyant à confronter, il fait allusion à la parole divine: "Si Dieu fait qu'un mal te touche, il n'est personne alors pour te délivrer que lui (le Coran 10:107). Ahmadou raconte également qu'une fois ses ennemis l'engagèrent dans un passage étroit et lâchèrent contre lui un taureau, "et se tinrent à proximité pour regarder, croyant que le taureau allait m'écraser. Quand il s'approcha de moi, il sauta au dessus de moi comme pour voler". C'est de ce taureau que parle Abdallah Salim Ibn Hanbal, le versificateur des Prodiges qui dit: ... Un jeune taureau qui vola au dessus de lui dans l'air puis il disparut... Il dit encore qu'une fois il fut détenu dans un endroit si longtemps qu'il se lassa et se plaignait à Dieu. A peine se plaignit-il que Dieu fit proliférer autour de lui de grosses fourmis qui le troublèrent davantage. "J'ai compris alors que ma plainte avait été à l'origine de mon malheur". Ce qui vous atteint de quelque atteinte, c'est pour ce que vos mains se sont acquis...(le Coran 42:30).Et j'ai substitué la reconnaissance à la plainte et dit : Au lieu de me plaindre, je remercie Dieu Je ne me plaindrai plus auprès de lui d'un mal, le mal m'étant évité Les fourmis disparurent et je demeurai tranquille. Peut être le vivificateur des prodiges fait-il allusion à cet incident quant il dit: "De monstrueuses fourmis se lancèrent sur lui sans qu'il se souciât de leurs attaques". Ahmadou Bamba dit encore qu'une fois le christianisé cité plus haut le maltraita. "Son acte, dit-il, lui valut reproche et avertissements d'un de ses collègues. De sorte qu'il en
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éprouve peur et regret et vint me voir dans la nuit en compagnie d'une personne amenant un mouton. Il m'offrit le mouton et une grosse bouteille d'encre, et en plus, se coucha par terre devant moi en guise de manifestation de son repentir et déclara qu'il s'était repenti et qu'il ne quitterait l'endroit tant que je n'aurais pas mis mon pied sur sa nuque. Puis je le renvoyai avec de belles paroles. Comme il m'avait trouvé en train d'écrire, j'enchaînai immédiatement ainsi: Cette nuit, Dieu m'a adouci le cœur d'un renégat Venu m'offrir un mouton et de l'encre Un autre des événements prodigieux de son exil était qu'il vivait à un moment donné sous l'autorité d'un administrateur colonial particulièrement antipathique. Un jour, dit-il, je me suis résolu d'essayer de combattre cet homme pour voir comment Dieu m'aiderait à le vaincre. Je suis sorti de ma chambre pour aller chez lui. Pendant ce temps, il fut averti. "C'est impossible, dit-il alors, cet homme, qui ne répond même pas aux convocations, viendrait donc aujourd'hui tout volontiers"! "En effet, il va arriver". Lui dit-on. Puis il se leva, vint m’accueillir de loin avec affabilité, me conduisit dans son bureau et demande avec insistance ce que je désirai. Après un moment de réflexion, je lui ait dit que je voulais un peu d'encre. Après il m'en offrit une grosse bouteille. Puis je suis reparti. Comme j'étais entrain de composer un poème sur les lettres de l'alphabet arabe en commençant sept vers par chacune des lettres, j'ai enchaîné: J'ai obtenu de l'encre auprès d'un infidèle incirconci Que j'ai subjugué grâce à la sourate de la Pureté. Après plusieurs lignes, l'on me dit: "il est malhonnête de ta part de t'opposer aux coloniaux par principe et d'accepter leur aide en cachette"! J'ai alors creusé le sol et y ai versé l'encre. De tout cela, j'ai conclu que mon combat était sincère. Dieu merci. Il parle également d'une expatriée sénégalaise qui fit un rêve lors du séjour du Cheikh à Bafali (au Gabon). Au cours du rêve, les soldats de Badr attaquèrent la ville et massacrèrent ses habitants. Lorsqu'un de ces soldats s'approcha d'elle, son collègue lui dit: "Ne la touche pas car elle est musulmane". Alors le soldat s'éloigna d'elle. A propos de cette femme, le Cheikh dit: C'était une femme pieuse qui me réservait sa plus grande bienfaisance et me disait: "Ce que je te donne est du produit de mon travail; ce n'est ni le prix du vin ni celui du tabac". Elle disait ceci parce que le vin et le tabac faisaient l'objet de fréquents échanges commerciaux dans cette ville et qu'elle savait que je ne les consommais pas et n'utilisais même pas les recettes de leur ventes. Un jour, je lui ai dit: Que veut tu en récompense de tes services? "Dans ma vie présente, je veux des enfants, et dans la vie future, je veux le Paradis", dit-elle. « Dieu est Tout-Puissant » lui dis-je. Quelque temps après, elle eut un enfant et mourut pendant l'accouchement. Comme elle me contactait toujours par des intermédiaires, je ne l'ai vu qu'après sa mort lorsque son corps fut transporté devant moi en vue de célébrer la prière pour le repos de son âme. L'on dit qu'elle s'appelait Awa et qu'elle était la fille d'une certaine Baba SEYE et l'épouse
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de Yala SEYE, un agent de l'administration coloniale qui sympathisait avec moi et me rendait des services... Un jour, une violente dispute opposa un homme à un autre agent de l'administration coloniale à cause de moi. En effet, j'avais implanté devant ma chambre quatre bornes délimitant mon lieu de prière. Quand ledit agent l'aperçut, il déracina les bornes et les jeta en disant: "Pas de prières! Pas d'Islam ici! Tu veux corrompre nos soldats". Je me tus et demeurai patient. Informé de l'incident, Yala SEYE, tout irrité, arriva immédiatement et dit à l'agent: - Pourquoi as-tu rasé son lieu de prière qu'il avait aménagé devant sa chambre sans gêner personne ni empiéter sur un passage public? - C'est qu'il ne doit pas y avoir de lieu de prière ici! - Mais si! Je vais le rétablir tout de suite - Tu ne le feras pas... Et les gens de les séparer pour les empêcher d'en venir aux mains. Leur querelle dura de la prière d'Asr jusqu'au coucher du soleil. Pendant ce temps, je composais un poème sur les lettres du verset: "Seigneur, fais-nous sortir de cette cité prévaricatrice en ses gens; et assigne-nous de Ta part un patron, et assigne-nous de Ta part un secoureur" (le Coran 4:75). En voici quelques vers: Je suis satisfait du Maître Très-Haut qui a élevé Mon cœur et m'a rendu riche - Quel Généreux Seigneur! Accorde salut et paix au Prophète, aux siens ainsi qu'à ses compagnons Et facilite nous grâce à lui la construction d'une vaste mosquée (On lui révéla alors que sa prière fut exaucée et qu'il verrait la mosquée demandée. Nous aussi nous l'avons vue. C'est la mosquée de Diourbel qui fut suivie de celle de TOUBA) Du reste, c'est un long et beau poème qui, par la grâce de Dieu Très-Haut et pour la sincérité de son auteur, est d'une grande efficacité pour acquérir un bien ou pour se protéger d'un mal. Que son utilisateur craigne Dieu et qu'il l'utilise dans le bien. Plus tard, conformément à la volonté divine, Yala SEYE vint rendre visite au Cheikh Ahmadou Bamba à Diourbel, et ce dernier nous donna l'ordre, moi et un autre collègue d'amener son hôte à la grande mosquée, et nous lui avons fait visiter tous ses côtés, et il en sorti plein d'admiration. A notre retour, le Cheikh lui a dit: « Comment trouves-tu cette mosquée par rapport à mon "masjîd" 25[25] que tu défendais jadis? » « Que Dieu est transcendant! Il n'y a aucune commune mesure entre les deux »; répondit-il. Et le Cheikh d'ajouter: C'est ce que j'entendais quand je disais: A Mayombé, Dieu a levé ce qui me faisait mal Au cœur et rehaussé mon prestige "Ce qui me faisait mal au cœur", c'est la destruction de son masjîd au Gabon et "rehaussé mon prestige" se concrétise dans l'édification de cette mosquée. ANECDOTE CURIEUSE PORTANT SUR UN INCIDENT PRODIGIEUX 25[25] Ce terme désigne tout lieu de prière même non matérialisé
Mame Saliou Diop
salam mame guiss nga video bi
Mame Saliou Diop
fi dh amna fi image me chainne dokhoul banenn bi moy dokh kham na damakoy supprime
Mame Saliou Diop
Fin de la conversation
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