Titre : L'Abreuvement du Commensal dans la Douce Source d'Amour du Serviteur" (Auteur Cheikh Mouhammadou Lamine DIOP DAGANA)

Titre :   L'Abreuvement du Commensal  dans la Douce Source d'Amour du Serviteur"  (Auteur Cheikh Mouhammadou Lamine DIOP DAGANA)

 

AVERTISSEMENT "L'Abreuvement du Commensal dans la Douce Source d'Amour du Serviteur" est un sommaire exposé historique destiné à ceux qui désirent connaître la vie de CHEIKH AHMADOU BAMBA, fondateur de la confrérie des Mourides au Sénégal, exposé écrit par Muhammad al-Amîn fils d'Ahmad DIOP de Dagana 1[1]; humble serviteur de celui dont il a écrit la biographie désireux de la miséricorde de son Seigneur et de Son Assistance et espérant le pardon de ses péchés et la dissimulation ici-bas comme dans l'au-delà de ses défauts intérieurs et extérieurs. INTRODUCTION Cette biographie du Cheikh Ahmadou BAMBA (1853-1927), dont le manuscrit arabe est rédigé en 1963 dans un arabe très classique mais clair, comprend 221 pages et est divisée en 10 chapitres précédés d'une introduction. Son auteur lui a donné le titre de IRWAUNNADIM MIN' ADHBI HURB AL-KHADIME (L'Abreuvement du Commensal dans la Douce Source d’amour du Serviteur) titre assez révélateur du caractère un peu laudatif de son ouvrage qu'il a écrit dans le but de faire connaître le saint de ce XIVème siècle de l'Hégire (XXème siècle) et de le faire revivre, autrement dit, de contribuer à la diffusion de son œuvre. Cette biographie éclaircit certaines questions qui font l'objet de discorde entre les chercheurs islamologues notamment l'attitude de Ahmadou BAMBA envers l'éducation islamique traditionnelle basé sur l'enseignement des sciences religieuses. En effet, Cheikh Muhammad Lamine DIOP nous montre que Ahmadou BAMBA n'a jamais négligé l'enseignement religieux. Car avant la trentaine, il avait déjà composé un livre de théologie musulmane (Mawahib Al-Qudûs) qu'il a enseigné à certains de ses frères du vivant de son père. Peut après la mort de ce dernier en 1883, il a écrit un de ces plus importants livres intitulé: Masälik al-jinân (les itinéraires du paradis). Pendant la période allant de 1883 à 1912, il a rédigé des manuels destinés à l'enseignement de ses disciples comme Tazawwud as-Sighar Nahj Qada al-Haj (le viatique des Jeunes) Al Jawhar al-Nafîs (Perle Précieuse), (ce qui satisfait les besoins des disciples en matière de règles de conduite). L'auteur de la biographie nous montre également que le changement que Ahmadou BAMBA a opéré dans le système éducationnel en vigueur a consisté à doubler l'enseignement islamique traditionnel d'une éducation spirituelle à l'instar des mystiques pour permettre aux élèves non seulement de connaître leur religion, mais surtout de la vivre. Cependant il a affirmé dans un bon nombre de ses écrits le caractère prioritaire du "Ilm" ou science religieuse. 1[1] Cheikh Muhammad al-Amîn DIOP fut un des premiers lettrés sénégalais convertis à la voie mouride. Il jouissait d'une place prépondérante auprès de son chef spirituel qui eut fait de lui son confident qu'il garda à ses cotés jusqu'à sa mort en 1927. A partir de cette date, M.L.DIOP se fixa à Diourbel où il enseigna le CORAN et les sciences islamiques avant d'être nommé Imam de la grande Mosquée de Diourbel, fonction qu'il occupa jusqu'à sa mort en 1967.
 
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A ce propos, il dit dans son poème intitulé Maghâliq al-Nîran Quiconque vous interdit de vous instruire Son interdiction est erronée. (les Cadenas de l'Enfer). Toute personne qui interdit l'instruction En ces temps ne fait qu'appeler (les gens) A une odieuse innovation car l'action Non fondée sur la science comporte des lacunes. Science et action sont deux choses essentielles Qui amènent vers les biens de cette vie et de l'au-delà. Le plus noble des deux, c'est la science Comme l'a confirmé une tradition prophétique Car tout homme qui agit sans science, Ses actions sont comme de la poussière (nulles) Celui qui détient une science sans l'appliquer Est comme un âne qui porte (des livres) Un autre sujet sur lequel cette biographie nous éclaire est l'attitude de Ahmadou BAMBA envers le pèlerinage à la Mecque. A ce propos, l'auteur a cité les propos d'Al-Haj Mbacké BOUSSO (1954) selon lui Ahmadou BAMBA avait projeté le pèlerinage avant son départ de TOUBA (1895) et allait exécuter ce projet lorsqu'il a été arrêté par les autorités coloniales. Cette affirmation de Mbacké Bousso réfute catégoriquement l'idée que le Cheikh n'avait jamais pensé à accomplir ce précepte divin, et que son attitude explique la négligence par les Mourides de cette obligation religieuse, négligence qui, parmi d'autres, aurait dicté au fondateur du mouridisme une réforme visant à faire respecter aux Mourides toutes les obligations cultuelles, et que ce fut pour confirmer cette nouvelle tendance que des dignitaires mourides tels que Cheikh Anta Mbacké (M. 1941) et Muhammad al-Fadil MBACKE (M. 1969) et Mbacké Bousso (M. 1954) effectuèrent le pèlerinage en 1928 2[2]. De même l'auteur nous explique pourquoi Ahmadou BAMBA n'a pas célébré la prière de vendredi dans sa Mosquée de Diourbel bien qu'il y ait célébré celle de la Korité et du Tabaski. Citant Mbacké Bousso l'auteur indique que Ahmadou BAMBA n'a jamais eu l'intention d'habiter à Diourbel. Car la loi religieuse n'impose cette prière qu'à celui qui s'installe dans un lieu avec l'intention de s'y fixer définitivement. Cette explication réfute l'idée que l'abandon de cette prière était un "ijtihad" (une opinion personnelle) de Ahmadou BAMBA et que son attitude a été à l'origine de l'abandon par les Mourides de cette prière, et que cette situation n'a été corrigée qu'après sa mort quand son frère Thierno BIRAHIM, en accord avec Muhammadou Moustapha (1886-1945), le premier successeur d'Ahmadou BAMBA, a restauré la prière du vendredi. Il importe de souligner que l'abandon de cette prière ne peut résulter d'un "ijtihâd" correcte. Car "ijtihâd" ne doit être pratiqué qu'en l'absence de 2[2] Cf. Rawane MBAYE, l'Islam au Sénégal P.471
 
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textes du CORAN ou de la Sunna. Or la prière en question s'atteste dans de nombreux hadiths et versets coraniques 3[3]. Aussi cette biographie écrite par un disciple de Ahmadou BAMBA, qui fut lui-même un savant émérite, nous montre t-elle que s'il est vrai qu'il y a eu parmi les Mourides (comme il y a en a toujours) des gens qui ont manqué à leur guide spirituel s'est constamment évertué à les instruire et leur apprendre à vivre leur foi. Et notre auteur, ayant été le confident de Ahmadou BAMBA et un des hommes les plus proches de lui, est le mieux placé pour en donner témoignage. En outre, il a été témoin de la plupart des événements dont il parle dans son livre. Pour ce qui est des événements survenus pendant l'exil de Ahmadou BAMBA au Gabon (18951902) et auxquels l'auteur n'a pas assisté, il en a été informé par le Cheikh lui-même. C'est pourquoi cet ouvrage est indispensable à tout homme désireux de connaître le fondateur du Mouridisme et de comprendre les motifs qui l'on amené à fonder sa voie mystique, et la vocation de celle-ci, force nous est cependant de souligner que l'on ne saurait pas exagérer l'importance de cette biographie parce que son auteur, à l'instar des autres biographies du Cheikh n'a pas fait le moindre effort critique. Il est vrai a affirmé à la fin de son livre qu'il s'est contenté des informations authentiques. Mais, même ces informations portent souvent sur des sujets controversés parce que relevant du domaine des miracles des saints donc difficile à vérifier. Fait partie de ces sujets la vision du Prophète (PSL) à l'état de veille et la rencontre avec Gabriel. Je pense que ces questions relèvent des secrets que les mystiques préfèrent au commun des croyants de peur qu'ils les nient faute de pouvoirs les comprendre. L'auteur aurait donc dû supprimer tous ces "prodiges" non seulement parce qu'ils diminuent l’intérêt de son travail aux yeux du lecteur bien averti, mais parce qu'il favorise le développement chez les adeptes mal instruits du culte des saints. Si un mystique confirmé peut concevoir la possibilité de voir Muhammad (PSL) à l'état de veille, le musulman orthodoxe non mystique admettrait difficilement une telle vision. Quant au simple adepte ou talibé, il ne manque pas d'en tirer une preuve de la justesse de son attitude à l'égard de son Maître qu'il vénère excessivement. Un autre aspect négatif de cette biographie consiste dans les longues citations (il cite un poème de Serigne Bachirou Mbacké (M. 1966) qui occupe plusieurs pages) qui souvent n'apparaissent pas nécessaires parce que n'apportant rien de nouveau au sujet. Après avoir par exemple soutenu la supériorité du "Wird" mouride, il cite le poème de Serigne Bachir qui ne comporte rien de plus que ce qu'il a déjà affirmé. Enfin, l'auteur considère sa biographie comme une introduction à celle de son collègue Serigne Bachir Mbacké écrite entre 1934-1935, mais qui n'était pas encore publiée. Cette
 
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dernière biographie que nous avons déjà traduite en français est certes plus exhaustive, car il s'agit d'un exposé analytique de la vie mystique du Cheikh. Mais elle demeure moins claire et moins planifiée que notre présente biographie. En tous cas, les deux livres sont complémentaires et permettent d'avoir une connaissance complète de la vie du fondateur du Mouridisme et contribuent à l'éclaircissement du rôle de l'Islam dans la société sénégalaise. AVANT PROPOS Je cherche protection auprès de DIEU contre Satan le Damné, Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Que Dieu bénisse et salue notre Seigneur Muhammad, les siens ainsi que ses compagnons. Muhammad al-Amîn fils de Ahmad DIOP Dagana qui éprouve un grand besoin de son Seigneur et sollicite son assistance pour bien servir son ami et maître, dit: Louange à Dieu qui éclaire la terre par les saints et montre par leurs intermédiaires le chemin de ses prophètes, les guides: le chemin de la foi en l'unicité de Dieu, et de l'adoration du Seigneur et du rejet de leurs contraires. En effet, les saints sont les vrais raisonnables qui, s'étant soumis, les prophètes, ont été bien dirigés par eux. "Voilà ceux qui son bien dirigés. Conduis-toi conformément à leur conduite" (le Coran 9:6) que Dieu bénisse notre Seigneur Muhammad, le chef et guide suprême qui débarrasse les cœurs de ses adeptes des suggestions et troubles sataniques. Que Dieu bénisse également les siens et ses compagnons fidèles à leurs engagements et qui honorèrent leurs promesses. Cela dit, comme Dieu, par sa grâce, envoie aux gens de chaque siècle un saint qui les guide dans le chemin droit et les empêche d'emprunter de mauvaises voies, et comme Dieu nous a privilégié, nous, gens du XXème siècle, de notre cher guide spirituel; AHMAD fils de MUHAMMAD fils de HABIBOULLAH, plus connu des mortels sous le nom de Cheikh Ahmadou BAMBA Mbacké, le Serviteur du Prophète mecquois, j'ai vu exposer une partie de sa vie pour celui qui désire s'informer de ses faveurs. Je sais certainement que je ne pourrais faire une étude exhaustive de ce sujet, mais je prépare le terrain à un éventuel intéressé mieux instruit et plus motivé, à qui Dieu inspirerait la volonté de se rendre utile aux croyants pour complaire à son Seigneur. Un noble hadîth dit: "les hommes constituent la famille de Dieu; celui d'entre eux qu'il aime le plus, est le plus utile à ses semblables." Il est dit également que celui qui retrace la vie d'un saint disparu, agit comme s'il le faisait revivre. Voici donc cet exposé sommaire intitulé "l'ABREUVEMENT DU COMMENSAL dans la Douce Source d'Amour du Serviteur". Quiconque y découvre des lacunes est prié de dissimuler l'imperfection de mon savoir et de demander pardon pour moi au lieu de se détourner de mon exposé! Car en dépit de ces lacunes, il y trouvera des idées qu'il appréciera. Cet
 
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exposé n'est en outre qu'une introduction à l'ouvrage intitulé: "Les bienfaits de l'Eternel" du Cheikh Muhammadou al-Bachir fils du Cheikh Ahmadou BAMBA. En effet, celui-ci est un livre exhaustif (Que Dieu l'agrée, facilite sa diffusion, lui en récompense dans l'au-delà et perpétue sa mémoire grâce à lui. Que Dieu facilite l’achèvement et la diffusion de notre livre et l'agrée grâce à cet ouvrage, à sont auteur et à son sujet!). En effet, le Très-Haut est le détenteur de la grâce, qui nous assiste ici-bas et dans l'au-delà. CHAPITRE PREMIER LA VIE DU CHEIKH DEPUIS SA NAISSANCE JUSQU'A LA MORT DE SON PERE (1853-1883) En ce qui concerne cette date de naissance, l'on dit qu'il naquit en 1272 de l'Hégire (18521853) à Mbacké-Baol dans la maison de son père située près de l'actuelle route de Dakar. A ce propos, l'érudit Al-Hadji Hamid fils d'Outhman de Pout dit: Le Serviteur naquit en l'an 1270 H. D'un père observant la loi de l'Elu. Il retourna à son Seigneur dans la nuit du Mercredi 20 Muharram de l'an 1346 H. âgé de 74 ans 4[4] L'on dit également qu'il fut âgé de 72 ans Que Dieu réalise nos souhaits et nous réserve le meilleur sort Ahmadou BAMBA passa les premières années de sa vie dans la maison paternelle. Il ne la quitta qu'à l'âge d'aller à l'école coranique. Pour ce qui est de son nom, il s'appelle AHMAD fils de Muhammad fils de Habiboullah fils de Muhammad le grand fils de Habiboullah fils de Muhammad al-khayr. C'est Muhammad le grand, surnommé Maram qui construisit en 1780 le village de Mbacké-Baol 5[5] y installa son fils aîné Muhammad Farimata, et retourna au Djolof où il mourut 6[6]. Quant à ses origines, ses ancêtres furent des Toucouleurs qui quittèrent Fouta pour s'installer au Djolof. On dit communément qu'ils étaient venus de la Mauritanie. Leurs cousins restés dans cette contrée sont appelés Alu-Modi Nalla. L'on dit qu'ils sont des shérifs 7[7]. Mon frère et maître Mukhtar Binta LO fils d'Ibrahim, le cheikh Niomrée m'a appris qu'Ahmadou BAMBA lui avait confirmé cela. A ce propos, il dit: "J'étais avec lui un jour, et, au cours de notre conversation, nous avons 4[4] Cette date correspond au 20 Juillet 1927 5[5] La date de la construction de Mbacké doit être située entre 1795 et 1802. D'après un poème de Serigne Moussa KA, ce fut à la suite de l'assassinat en 1795 de Serigne Malamine SARR que Maram MBACKE se rendit auprès du Damel Amari Ndella pour obtenir la libération des marabouts qu'il détenait. Le Damel satisfait sa demande et lui octroya en plus la tonne sur laquelle Mbacké fut bâti 6[6] En 1802 7[7] Shérif signifie: "noble". Il s'agit d'une noblesse de naissance attribuée aux descendants du Prophète Muhammad.
 
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parlé de cette tribu maure considérée comme shérif... Il me dit: "Ne sais-tu pas que ce sont nos frères?" C'est ainsi que j'ai su que les ancêtres du Cheikh étaient des shérifs." Je crois que le témoin le plus éloquent du "Charaf" 8[8] de cette famille réside dans la douceur de ses mœurs, dans sa générosité, sa mansuétude, son amour de la bienfaisance, son dédain de la bassesse et sa foi authentique en Dieu. D'autre part, Marième, la mère d'Ahmadou Bamba, surnommée Diaratoulah, est fille de Muhammad fils de Muhammad fils de Hammad fils de Ali Bousso le "charaf" des BOUSSO est vérifiée, leur généalogie remontant à l'Imam Hassan fils d'Alu ibn Alu TALIB (Que Dieu l'honore). Le cheikh est donc shérif aussi bien de son ascendance maternelle que paternelle. Un de mes cousins, qui connaît bien le Fouta, m'a dit qu'au cours de ces voyages dans cette province, il se rendit à Boggué et à Mbumba et vit les ruines des villages autrefois habités par les Mbacké. Un natif de cette province appartenant à la famille BA, lui, affirme que les Mbacké étaient leurs cousins et le nom de Mbacké était une déformation par les wolof du nom du BA. Cette opinion est, à mon avis, fort invraisemblable. Je crois, en revanche, que le nom Mbacké est aussi vieux que tous les autres noms non-arabes. Les Bousso habitaient le village de Golléré au Fouta qui avoisinait les villages des Mbacké. Ce voisinage entre les deux familles corroborent la thèse de leur origine commune...Parvenu à l'âge d'aller à l'école, Ahmadou Bamba fut confié à Muhammad Bousso, le frère germain de sa pieuse mère, qui l'initia au livre sacré puis l'envoya auprès de son oncle Tafsir Mbacké Ndoumbé (fils de Muhammad Sokhna BOUSSO fils du précité Muhammad le-Grand, qui était le frère germain d'Asta Walo Mbacké, la grand-mère maternelle d'Ahmadou Bamba). Tafsir et son élève passaient la saison sèche à Mbacké et l'hivernage au Djolof. A la mort de son maître, Ahmadou Bamba avait presque maîtrisé le Coran. Un homme sûr m'a raconté qu'Ahmadou Bamba lui avait dit qu'à la mort de son maître, il avait atteint le quarte vingt deuxième verset de la cinquantième sourate du Coran 9[9]. Il rejoignit son père et termina le reste du livre grâce à son propre effort et au concours de certains maîtres de l'enseignement coranique. A cette époque, il demeurait la plupart du temps aux cotés de son père qu'il ne quittait que pour rendre visite à Muhammad Diarra, son frère germain qui poursuivait encore son instruction coranique auprès d'un maître. Parfois, il passait un ou deux mois avant de rejoindre son père. Ce fut au temps du conquérant Maba 10[10] quand les parents d'Ahmadou Bamba, tout comme de nombreux habitant du Baol et du Djolof, émigrèrent au Saloum avec le dit conquérant. A la mort de ce dernier, beaucoup d'émigrés regagnèrent leur pays. Parmi eux le père d'Ahmadou Bamba qui alla au Cayor en compagnie du Damel Lat-Dior (M. 1886). Tandis que Ahmadou Bamba, son oncle Muhammad Bousso et la famille de ce dernier restèrent au Saloum où Ahmadou Bamba poursuivait son instruction auprès de son oncle Samba 8[8] La noblesse Shérif. 9[9] Il s'agit du verset suivant: "Tu trouveras à coup sûr dans les juifs et les faiseurs des dieux, le plus fort en leur inimitié contre les croyants..." cf. Coran, traduction du Professeur Hamidoullah Edition Padoux, Paris 1964 P. 393. 10[10] Il mourut en 1867.
 
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Toucouleur KA qui l'initia aux différentes disciplines de la théologie islamique. Son instruction dût bien avancée lorsqu'il rejoignit son père installé dans le village de Peter situé près de Keur Amadou Yalla, la capitale du Damel Lat-Dior. Ce dernier qui avait une grande affection pour Momar Anta Sali, avait fait de lui son conseiller bien écouté. Dans son for intérieur, Momar ne nourrissait aucun désir à l’égard des richesses et du pouvoir du roi et son attitude à son égard ne lui était dicté que par le souci de préserver les intérêts de sa famille. C'est pourquoi bien qu'étant à sa disposition, Momar n'habite pas avec le Damel, mais fonda son propre village. Cet isolement était d'autant plus nécessaire que Momar fut un enseignant et que l'enseignement ne pouvait pas être bien assumé dans la cour des rois. Comme son village se situait tout près de la capitale royale, il pouvait au besoin se rendre auprès du Damel sans peine ni retard. Quant à Ahmadou Bamba, il resta avec son père et poursuivit son instruction au point de briller dans toutes les disciplines islamiques. Pendant ce temps, il fréquentait Khali Madiakhaté Kala, le Cadi du Damel qui fut un érudit réputé notamment pour l'excellente qualité de sa poésie. Ahmadou Bamba le fréquentait pour approfondir sa connaissance de la langue arabe. Parfois, il lui montrait des poèmes qu'il avait composé afin qu'il vérifia leur conformité aux règles de la grammaires, de la lexicographie et de la métrique. Parfois, il décelait des fautes, parfois non. Leurs relations continuèrent ainsi jusqu'à ce que l'élève surpassa le maître dans l'art de la poésie. De sorte que les efforts du maître portant naguère sur la correction des poèmes de l'élève, visaient désormais à leur apprentissage par cœur. Mais l'instruction d'Ahmadou Bamba auprès de Madiakhaté ne dépassa pas le cadre ainsi décrit. Il n'étudie pas auprès de lui un ouvrage complet. Par ailleurs, dans le village avoisinant de Ndiagne, résidait un savant maure du nom de Muhammad Ibn Muhammad al-Karîm de la branche awlâd al-Fâdil de Banî Dayman. (Chez nous on l'appelait communément Muhammad al-Yadali. Il ne faut pas cependant le confondre avec l'auteur du commentaire du Coran intitulé: At Dhahab al-Ibrîz . Car ce dernier est yaddalite ancien). Ahmadou Bamba fréquentait ce savant pour apprendre la rhétorique et, je crois, la logique. S'étant aperçu de son excellence dans les disciplines littéraires et religieuses, de son dynamisme et de son honnêteté, Momar Anta Sali confia à son fils les tâches relatives à l'enseignement. Auparavant, par confiance en son intelligence et en la bonne maîtrise de son savoir, il lui donnait des leçons à transmettre aux élèves absents. Ahmadou Bamba s'acquittait convenablement de ses devoirs, et les élèves de son père se contentèrent de lui. De même celui-ci l'agrée. Peu de temps après, le Damel quitta Keur Amadou Yalla pour s'installer dans sa résidence de Souguère. Momar Anta Sali à son tour construisit près de là un village baptisé MbackéCayor. Il y resta deux ans avant de mourir au mois de Muharam de l'an 1300 de l'Hégire. J'ai entendu Ahmadou Bamba dire: "J'ai récité le Coran au chevet de mon père qui
 
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agonisait au cours de la journée du lundi. Il mourut dans la nuit du mardi et fut inhumé à Dékhelé (un village situé dans la province de Mbakol) où sa tombe fait toujours l'objet de visites." Je l'ai même visitée. Dieu merci. Ahmadou Bamba accompagna le cortège qui transporta la dépouille mortelle de son père à Dékhelé. Au cours du trajet, certains cavaliers lui offraient leurs montures. Mais il leur répondit qu'il préférait marcher. La foule immense réunie pour assister aux funérailles choisit pour diriger le service funèbre Serigne Taïba Muhammad Ndoumbé de Sill (dont nous parlerons au chapitre des témoignages des dignitaires religieux en faveur d'Ahmadou Bamba). Il présente ses condoléances à la famille du défunt et s'adressa particulièrement à Ahmadou Bamba en ces termes. - Où est Serigne Bamba? (C'est ainsi qu'on l'appelait alors) Ahmadou Bamba, qui se trouvait à l'extrémité de la foule, répondit et se leva. - Rapproche-toi! Il rapprocha de l'orateur de façon à pouvoir le voir, l'entendre et lui répondre sans lever la voix (il s'abstint d'avancer encore afin de ne pas déranger l'assistance). - Rapproche-toi encore! - - Je t'entends bien. - Je voudrais que tu nous accompagnes; d'autres dignitaires et moi parmi les collègues de ton père chez le Damel afin que nous lui présentions nos condoléances, le défunt était son ami intime, son guide et conseiller personnel, et nous te recommandons à lui pour te permettre d'occuper auprès de lui la même place que ton père et de jouir des mêmes honneurs. - Je vous remercie pour vos condoléances et conseils. Pour ce qui concerne le Damel, je n'ai pas l'habitude de fréquenter les monarques. Je ne nourris aucunes ambitions à l'égard de leurs richesses et ne cherche des honneurs qu'auprès du Seigneur suprême. Ces propos semèrent le désarroi au sein de la foule. Les pieux furent étonnés de voir un de leurs fils tout jeune transcender les futilités et oser critiquer implicitement ceux qui ambitionnaient les richesses terrestres. Les gens du commun furent étonnés de le voir se détourner d'un prestige gratuit. De plus, ils le considèrent comme un déséquilibré. L'attitude de ces deux groupes lui inspira deux beaux poèmes. L'un d'eux, dont je n'ai pas vu le texte pendant mon service auprès du Cheikh et dont je ne me souviens plus, débute par: "Puisque j'ai détourné mon regard d'eux, ils m'ont traité d’aliéné..." Voici l'autre: Penche vers les portes des sultans, m'ont-ils dit, Afin d'obtenir des dons qui te suffiraient pour toujours Dieu me suffit, ai-je répondu, et je me contente de Lui, Et rien ne me satisfait sauf la Religion et la Science. Je ne crains que mon ROI et n'espère qu'en Lui, Comment mettrais-je mes affaires dans les mains de ceux Qui sont aussi incapables de gérer leurs propres affaires que les pauvres?
 
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Et comment la convoitise des richesses m'inciterait-elle A fréquenter ceux qui ne sont que des suppôts de Satan? Et si je suis attristé ou que j'éprouve un besoin, J'invoque le Propriétaire du Trône, Il est l'Assistant et le Détenteur de la puissance infinie Qui crée comme il veut tout ce qu’il veut. S'il veut hâter une affaire, elle se réalise rapidement; S'il veut l'ajourner, elle s'attarde un moment. Ô toi qui blâmes! Ne vas pas trop loin! Cesse de ma blâmer! Car mon abandon des futilités de cette vie ne m'attriste point Si mon seul défaut est ma renonciation aux biens des rois, C'est là un précieux défaut qui ne me déshonore point. Quant à la mère d'Ahmadou Bamba, elle mourut à Porokhane dans le Saloum lors du séjour de son père dans cette province. CHAPITRE SECOND LES ACTIVITES D'AHMADOU BAMBA APRES LA MORT DE SON PERE Durant la vie de son père, Ahmadou Bamba ne prenait aucune décision sans le consulter. Bien plus, il lui obéissait inconditionnellement. Après sa mort, il continua l'enseignement un peu plus d'un an. Pendant ce temps, ses disciples ne s'intéressaient qu'à la science comme il ne s'occupait que de leur instruction. Cependant, il éprouvait un désir profond de pénétrer la mystique, aimait les habitudes des mystiques telles que la solitude et l'errance (1); il utilisait leur langage et cherchait à leur manière le sens profond des textes. Cette haute préoccupation ayant dominé en lui toute autre, il en fit part à ses disciples indirectement d'abord, et ensuite, devant la force irrésistible de cette nouvelle tendance, il déclara ses intentions et invita à le suivre. Après avoir réuni ses disciples, il leur tint fermement le discours suivant: "ceux parmi vous qui m'ont accompagné dans le but d'acquérir la science, doivent désormais aller chercher un maître, et ceux qui veulent ce que je veux, doivent me suivre et observer mes ordres." Puis il se retira. Ses propos troublèrent fort ses disciples dont une partie décida de s'en aller tandis qu'une autre partie préféra rester. Ahmadou Bamba observa leur réaction avec calme, n'interrogeant personne sur ses intentions. La majorité des disciples quittèrent ainsi le maître et un petit groupe resta à ses cotés. Observons qu'auparavant, du vivant de son père, Ahmadou Bamba avait déjà écrit dans le domaine des sciences islamiques traditionnelles. Il mit en vers UMM AL-BARRAHIM , un traité de théologie musulmane d'AL-SANUSI (M. 1490). Ce poème fut agrée par son père qui l'a même enseigné au lieu du texte originel. Ahamdou Bamba m'a dit que son père avait appris ce poème à deux de ses fils: Sîdi Muhammad al-Khalifa, plus connu sous le nom de Cheikh Thioro et Ahmadou Al-Mukhtar, plus connu sous le nom de Serigne Afé. Ahmadou Bamba mit également en vers (1294/1877 Bidaya al-Hidaya (commencement
 
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de la bonne direction) d'Al-Ghazâli. Ce poème fut intitulé: "Mullayyin al-Sudûr " (celui qui adoucit les cœurs)). Plus tard, (en 1904) il résuma ce poème et lui donna le nouveau titre de "Munawwir al-Sudûr " 11[11] (celui qui éclaire les cœurs). Il composa aussi d'autres poèmes parmi lesquels "Djadhbatou Sighar " (celui qui attire les jeunes) et "AlDjawhar al-Nafis " 12[12] (la perle précieuse), une vérification du traité de rituel musulman d'Al-Akhdari. Ainsi Ahmadou Bamba décida-t-il de passer avec le groupe de disciples restés avec lui de l'éducation livresque à l'éducation spirituelle. Je pense que ce fut sur l'ordre du messager de Dieu (P.P.S.S.P.). En effet, un de mes maîtres, qui est digne de confiance, ma raconté que le Cheikh Ahmadou Bamba lui avait dit que le Prophète (P.S.L) lui avait dit: "Donne à tes disciples une éducation spirituelle et ne leur donne plus une éducation livresque". A cela s'ajoutent les informations contenues dans ses poèmes comme cellesci. Un des gestes prodigieux du fils d'Abdallah (Muhammad) Qu'il soit salué et béni par l'Eternel Qui a éclairé et éclairera la terre jusqu'au jour du jugement Par les saints qui ont perpétué les traditions prophétiques et les ont préservées des innovations. Un de ses gestes prodigieux consiste dans la rassurance De son serviteur en lui donnant un ordre L'ordre d'instruire ses adhérants Ainsi que tous ses contemporains qui acceptaient son enseignement Un autre de ses gestes prodigieux est qu'il a guidé son serviteur à Dieu En le purifiant des défaut et en le parant de vertus. Par "en lui donnant un ordre..." il entend comparer indirectement l'ordre divin donné au Prophète (PSL) à celui qu'il avait reçu grâce à l'assistance de Dieu Très-Haut qui avait accru ses connaissances, sa sagesse, ses lumières et ses secrets le rendant capable d'assumer les charges de la suprême sainteté avant de lui donner l'ordre de prêcher publiquement sa voie , d'inviter les hommes à le suivre. A ce propos, il dit: L'omnipuissant m'a procuré les sciences et leurs secrets Puisqu'il est Omniscient J'ai acquis des connaissances que l'on ne trouve pas dans les livres Ne vous lassez donc pas de me servir! Par considération pour l'Elu (PSL) Le Généreux m'a donné la "Baraka" 13[13] du Coran et des sciences 11[11] Le premier poème étant abîmé, le Cheikh le reprit dans ce second poème de 212 vers qui définit la conduite permettant à l'adepte de bien purifier son âme 12[12] Ce poème de 676 vers sert de base à l'enseignement religieux. Il vient d'être traduit en français par le Professeur Amar SAMB. 13[13] Ce terme est parfois rendu par charisme. Il s'agit ici du profit de l'application du Coran. Dieu a assisté le Cheikh à bien comprendre le livre saint et à en tirer le plus grand profit
 
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religieuses Et fait jaillir sur mes écrits Les secrets de "Il n'ya point de Dieu que Dieu". Il m'a accordé des faveurs qu'il ne retirera jamais Et grâce à lui, je suis devenu rempart et asile. Voilà la faveur que Dieu accorde à celui qui lui plaît Lui, qui m'a autorisé de dire: "venez chercher refuge auprès de moi". Autrement dit, Dieu m'a donné l'ordre de me déclarer refuge, quiconque veut le bien dans cette vie et dans l'au-delà, doit se réfugier auprès de moi. Ensuite, il dit: Est heureux un disciple à qui Dieu a inspiré De s'attacher à moi. Car il obtiendra des faveurs: Le disciple qui ne se lasse jamais de moi, obtiendra la meilleur récompense; Le disciple qui se réfugie auprès de moi recevra de Dieu; Mon voisin bienveillant, une récompense dépassant ce que l'on croit possible. Sera heureux tout disciple qui s'attache à moi De même sera-t-il préservé de tout malheur Quiconque s'attache à moi sera préservé Des malheurs de ce monde ainsi que de ceux de l'Au-delà. Puis révélant que les croyants parmi les djinns de son temps s'étaient attachés à lui, il dit A la différence des infidèles, les djinns croyants de mon temps se sont soumis à moi. Mettant ses disciples en garde contre toute tentative de s'écarter de lui, il dit: Malheur à celui qui se détourne de moi après avoir adopté ma voie. Définissant la voie et l'objectif du disciple, il dit: La voie, aux dires des mystiques, consiste à abandonner la Tradition au profit de la religion Revenir à la Tradition avant de parvenir au terme de l'itinéraire mystique C'est renier sa foi Car l'adepte mystique, où qu'il aille Ne cherche que l'agrément du Clément. Décrivant le vrai adepte mystique et le profit qu'il peut tirer de la compagnie des guides confirmés, il décrit: La caractéristique du vrai adepte mystique, c'est la renonciation à sa propre volonté au profit de celle du tout puissant Quiconque ne cherche que son Seigneur Le trouvera et jouira de ses faveurs Quiconque suit un guide spirituel incapable sera retenu. Tout croyant qui n'est pas éduqué par un Maître mystique
 
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Sera exposé à des épreuves Car celui qui n'a pas de guide spirituel aura Satan pour guide, où qu'il aille Un bon guide spirituel ne trahit jamais l'enseignement de l'intercesseur (Muhammad) Quiconque donc observe ses ordres en tirera profit. Observe scrupuleusement les ordres de ton éducateur, Tu parviendra au Seigneur. De même, évite tout ce qu'il interdit Et ne néglige rien pour le satisfaire. Puis il passa à l'explication des qualités qui permettent à l'adepte d'obtenir tout bien: Les qualités du vrai adepte mystique, sont en substance, au nombre de quatre; Je les explique en ces vers pour vous éviter l'égarement la sincérité dans l'amour du guide, l'obéissance immédiate à ses ordres Ne s'opposer jamais à lui, même secrètement, Fait partie également, disent les mystiques, de ses qualités. Et abandonner tout choix personnel et se contenter de celui du maître Par confiance en lui. Tout adepte mystique qui réuni ces qualités, Rejoindra les mystiques confirmés. Puis il explique les six obstacles que l'adepte doit franchir pour bien effectuer sa marche vers Dieu. Il existe six obstacles Que doit franchir celui qui cherche à atteindre Dieu Ce sont: manger à l’excès, boire à l’excès Excès de fréquentation, bavardage, excès de sommeil Et se distraire de la mention du Nom de notre Seigneur pacifique Référez-vous à Jawâhir al-Macâni Un ouvrage de notre vénérable Cheikh (Ahmad) al-Tijâni Les mystiques ont raconté que les anges du Majestueux Pleurent par Dieu d'un adepte gourmand Référez-vous à l'ouvrage intitulé: Awârif al-Macârif Puis il explique que le vrai adepte est celui qui profite bien de son temps. Le vrai adepte mystique est celui qui fait un bon usage de son temps, celui que ne reporte aucun travail, Car le report entrave souvent l'accomplissement des devoirs. Référez-vous à "Jounnatoul Mourîd " Un ouvrage de notre Cheikh, le Calife bien guidé. Outre ce qui précède, il existe de nombreux textes dans lesquels Ahmadou Bamba définit la voie sur laquelle il a conduit ses adeptes. Si je citais tous ses propos relatifs à ce sujet, j'aurais ébloui le lecteur et dépassé le cadre de cette biographie qui n'est qu'une esquisse
 
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de la vie du Cheikh. Voici un texte en prose dans lequel, révélant certains secrets de son exil, il rassure ses disciples pour les encourager et aviver leur désir de le suivre. " Sachez que sans leur adhésion à ma voie, mes adeptes iraient en enfer à leur mort, et y resteraient un certain temps avant d'entrer au paradis promis aux pieux croyants... La cause de mon exil est que Dieu a voulu depuis l'éternité que je sois l'intercesseur (Shafic) de tous mes disciples. Il m'a protégé de mes ennemis et placé dans leur cœurs ma crainte et leur a inspiré l'idée de ma libérer 14[14] afin que je ne me vengeasse pas, car si je l'avais fait je serais entré en enfer! Que Dieu Très-Haut nous en protège! Ainsi Dieu Très-Haut m'a-t-il préservé de l'enfer et de tout ce qui ne lui plaît pas grâce au Messager de Dieu (P.P.S.S.L.)". Ahmadou Bamba écrit également les recommandations suivantes à l'intention de tous ses disciples: "De ma part à tous les Mourides et à toutes les Mourides des salutations distinguées préservant tous des damnés et des damnées et assurent à tous salut et quiétude ici-bas et dans l'Au-delà, grâce au Messager. (Que Dieu le salue et le bénisse ainsi que tous les siens et compagnons). J'ai donné à tous ceux qui se sont affiliés à ma VOIE pour complaire à Dieu, le Généreux, le Très-Haut, l'ordre d'apprendre les dogmes fondamentaux de l'Islam: le Tawhîd 15[15] , les préceptes concernant l'ablution rituelle, l'accomplissement de la prière canonique et du jeûne du Ramadan et d'autre devoirs cultuels. Je m'engage pour complaire à Dieu, le Généreux, de composer pour vous des livres comprenant tout cela. Salut, Miséricorde et bénédiction divines soient répandues sur vous." Voici encore une réponse adressée par Cheikh Ahmadou Bamba à un mouride - nous espérons qu'elle s'applique à nous. Salut, Miséricorde et bénédiction divines soient répandues sur toi. J'ai certes reçu ton message, O fidèle mouride! Sache certainement que ton salut est assuré à toute terreur notamment à ta mort et dans ta tombe et que les deux anges interrogateurs 16[16] connaissent ton guide spirituel et que cette connaissance leur dispensera de t'interroger". EXPLICATION SOUS FORME DE QUESTIONS ET REPONSES- A quoi le Cheikh a-t-il appelé ses adeptes et vers quoi les a-t-il guidés? - Il s'agit en fait de la sincérité qui constitue l'âme de toute œuvre religieuse et qui résulte de la connaissance gnostique et qui rend possible "L'Arrivée" signifiant le dévouement total du Serviteur à Dieu, dévouement s'attestant dans ses gestes, dans son propos, ses 14[14] Littéralement: ils ont agi comme ils l'ont fait. 15[15] Théologie musulmane. 16[16] Les Anges chargés d'interroger les morts sur leur conduite dans la vie terrestre.
 
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croyants, ses paroles, ses actes et ses états manifeste et cachés. Cette sincérité ne saurait être acquise grâce à l'enseignement. Car la tâche de l'enseignant se limite à l'explication des textes. c'est ensuite au disciple de s'évertuer à vivre en conformité avec les connaissances transmises par l'enseignant. Il peut réussir ou échouer dans son entreprise. L'enseignant ne peut lui être d'aucune utilité ici. Il est du ressort des éducateurs spirituels d'orienter et de guider le disciple. Dans ce but, ils lui imposent le devoir de s'instruire, d'instruire, de servir et de pratiquer les dikh et la bienfaisance, le tout fondé sur un amour sincère du Maître. Les éducateurs tiennent surtout à rendre le disciple conscient de ses propres défaut afin de l'inciter à s'en purifier pour pouvoir arriver avec le consentement de l'assistance de Dieu Très-Haut. Cela dit, il serait hors propos d'exposer ici l'éducation spirituelle. Revenons donc à notre sujet. Ahmadou Bamba ayant reçu l'ordre de promouvoir l'éducation spirituelle et obtenu l'approbation de ses disciples, leur faisait subir des exercices de mortification, la faim, les travaux fréquents, le dhikr fréquents consistant dans la répétition de la formule: " Il n'y a point de Dieu que Dieu" et la déclamation de ses poèmes (2), le maintien de la propreté rituelle et l'isolement notamment se tenir à l'écart des femmes: Grâce à ses pratiques, ils surpassèrent leurs semblables au point de pouvoir sacrifier biens et âmes pour complaire à Dieu. "Certes, Dieu a acheté aux croyants leurs biens et leurs âmes contre le Paradis..." (Le Coran 9:112). Tels furent les rapports entre le Cheikh et ses disciples depuis le début de l'année 1301/1884 jusqu'à son départ de Mbacké-Cayor et son installation à Mbacké-Baol au cours de la même année. Il passa dans cette ville des années pendant lesquelles les hommes affluaient vers lui de tous bords les uns voulaient adhérer à sa voie, d'autres voulaient lui offrir des présents, d'autres enfin sollicitaient des prières. Le chemin conduisant à sa demeure en était devenu aussi animé que celui menant au marché. Pendant les quatre années suivant son installation à Mbacké-Baol, sa renommée s'était tellement accrue que hommes distingués et gens du commun s'étonnaient de lui. Il avait alors dépassait. A cette époque, il effectua des voyages dans les provinces voisines allant du Saloum à Walo-Barak. Au cours de ces voyages, il rencontra les grands chefs religieux de ces contrées, visita les tombes de leurs saints hommes, reçus l'ijâza (1) de leurs cheikhs et s'instruisit des "Wird" (2) qui étaient pratiqués. Il se rendit également auprès de la famille du Cheikh Sidya dont il visita la tombe à Tindawh. De même il rendit visite à son fils Cheikh Sidiya Baba à Mimoin, s'instruisit auprès de lui, versifia la chaîne initiatique quadririte depuis Cheikh Baba jusqu'à la fin de la chaîne et fit l'éloge de cette famille. C'est pourquoi un grand chef religieux maure demanda plus tard qui était son maître. Quand Ahmadou lui répondit que c'était le Messager de Dieu (P.P.S.S.L), le maure lui dit: "Pourquoi alors as-tu manifesté tant de vénération à l'égard de la famille du Cheikh Sidiya et pourquoi les as-tu fait des éloges?" - Je fus alors comme un aveugle à la recherche de la bonne direction, mais incapable de distinguer celui qui sait bien diriger de celui qui ne le sait pas. Quand le chef suprême de la communauté islamique se révéla à moi et m'attira vers lui grâce à la Providence et à sa
 
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propres bienveillance, les intermédiaires en dehors de lui me parurent inutiles. J'ai toutefois maintenu avec eux des relations d'amitié pour complaire à Dieu et pour s'entraider en lui. En effet, l'attitude de la famille de Cheikh Sidiya à son égard postérieurement à cette époque corrobore ses propos. Car ils étaient pour lui comme des fils, et lui pour eux comme un père qui leur prodiguait des dons que ni souverain n'avait donné à ses protèges, ni chef spirituel à ses adhérents. D'où Cheikh Sidiya Baba lui dédia des poèmes et des vers isolés atteignant des centaines. En voici quelques uns: Cheikh Ahmad est un bienfait Que leur Seigneur a accordé aux hommes Le Cheikh n'est qu'une faveur Que Dieu nous a accordée, un de ses signes Ces deux vers suffiraient à eux seuls pour prouver la grandeur et la sainteté de ce Cheikh parce que dits par un grand homme qui n’exagérait ni ne vendait sa poésie à la manière des poètes; car il parlait uniquement sur l'ordre de Dieu et pour lui complaire. Que Dieu récompense l'un et l'autre par le bien pour les services qu'ils se sont rendus réciproquement. Qu'il bénisse leur postérité et perpétue leur héritage jusqu'à l'entrée au Paradis promis aux pieux croyants. Amen! Ahmadou Bamba rendit visite également au maître Baba Ibn Hamdi le dernier et passa avec lui une journée et une nuit dans une même tente. Mon ami intime, Cheikh Abdoul Qadir Ibn Al-Amin al-Kumlayli, surnommé Kâd, qui était alors un disciple de Baba, raconta que ce dernier lui avait dit qu'il avait révélé le secret. Je pense qu'il s'agissait de la Voie Chahilite. Car Ahmadou Bamba nous apprit qu'il fut initié avant de rencontrer l'intermédiaire suprême: le Messager de Dieu (P.P.S.S.L). Mais il ne précise pas qu'il y eut initié. Kâd m'a donné cette information lorsque, ayant lui même renouvelé son adhésion à cette Voie par l'intermédiaire de notre Cheikh, je lui ai demandé s'il savait qui a initié ce dernier au Chahilisme. Ce qui implique que Kâd croyait que c'était Baba Hamdi, son premier initiateur à cette voie mystique. A propos de la visite d'Ahmadou Bamba, Kâd dit encore qu'il arriva chez son hôte un jour d'été et que le maître lui offrit une boisson bien fraîche faite avec du lait et du sucre et lui dit: - Bois! - Je ne bois pas cette boisson! (ce fut après le début de ses exercices de mortification) - Pourquoi? Nuit-elle à ta santé ou bien tu l'as abandonné pour complaire à Dieu en mortifiant ton corps. - Je l'ai abandonné pour complaire à Dieu - Bois alors! Sous son insistance, il finit par boire. Interrogé par la suite par ses compagnons sur la raison pour laquelle il contraignit son hôte à rompre avec son habitude, le maître répondit en substance: "Comme Ahmadou Bamba avait pris l'habitue de maîtriser ses désires et de mortifier son corps, j'ai cru que rompre avec son habitude était pour lui la chose la plus pénible. C'est pourquoi je lui ai demandé. Mais Dieu bénira son acte de sorte qu'il deviendra plus capable de maintenir son habitude".
 
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Bien longtemps après cette visite, Ahmad un des fils du maître Baba rendit visite à Ahmadou Bamba à Diourbel. Celui-ci se réjouisit de sa visite et lui réserva une hospitalité exceptionnelle. Conformément aux usages, les boissons offertes comprenaient du thé. Ce qui embarrassa Kâd qui accompagnait son fils. Car il savait que celui-ci ne buvait pas du thé mais ne pouvait pas s'abstenir d'en boire dans cette circonstance par respect de son hôte et pour ménager la compagnie. Ainsi, quand Ahmadou Bamba tendit le verre de thé à Ahmad, son père lui dit: - Ahmad ne boit pas de thé S'adressant à celui-ci, Ahmadou Bamba dit: - Pourquoi? Nuit-elle à ta santé ou bien tu l'as abandonné pour complaire à Dieu en mortifiant ton corps. - Je l'ai abandonné pour complaire à Dieu - Bois alors! Ahmad obéit. Et son hôte, souriant, lui dit: "Je t'ai traité comme ton père m'a jadis traité. Que Dieu bénisse ton acte". Au cours de ses voyages, Ahmadou Bamba fut accueilli dans toutes les contrées avec enthousiasme et admiration. Les populations l'aimaient pour divers profits moraux et matériels qu'il leur apportait grâce à son érudition et à sa piété authentique. En effet, ne thésaurisant ni argent, ni or, il prodiguait ses dons à tous; grands, petits, hommes, femmes, riches, pauvres, pieux et non pieux, et ce avec désintéressement et dévouement total à Dieu. Pendant son voyage en Mauritanie, il visita des Cheikhs, s’instruisit auprès d'eux, visita les tombes des saints et prodigua des biens considérables au profit des mauritaniens. Ces derniers, de ce fait, l'aimèrent plus que les sénégalais, lui dédièrent des poèmes élogieux, lui rendirent visite après son retour à son pays et tirèrent de grands profits des rapports qu'ils entretenaient avec lui. L'ATTITUDES DES PROCHES D'AHMADOU BAMBA VIS A VIS DE LUI APRES SON INSTALLATION A MBACKE 1884 Le prestige extraordinaire acquis spontanément sous les yeux de ses proches et égaux par un jeune homme issu d'eux même aussi bien du coté maternel et du coté paternel, ne pouvait manquer de susciter des réactions. En effet, les proches d'Ahmadou Bamba ne pouvaient pas souffrir qu'il les dominât. Sa situation suscita très vite des motifs de jalousie. celle-ci se traduisit en des agressions verbales et physiques qui obligèrent Ahmadou de quitter la mosquée générale et de fonder sa propre mosquée. Cette dernière devient plus aimée que la première, ce qui ne fit qu'accentuer les sentiments hostiles à l'égard d'Ahmadou Bamba.
 
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LES RAPPORTS D'AHMADOU BAMBA AVEC LES FAMILLES ROYALES A l'hostilité des proches s'ajouta celle des souverains qui, ayant auparavant entretenu des relations amicales avec son père, voulurent qu'Ahmadou Bamba perpétuât ces relations. Mais il refusa, et son refus fut ressenti par eux comme un mépris. Ils crurent à tort qu'il méprisait même l'attitude de son père favorable à leur égard. Il est vrai cependant qu'il adressait avec respect des avertissements à son père et lui conseillait de s'écarter des souverains, considérant que leur prestige terrestre amènera humiliation dans l'Au-delà. Son père lui disait: "Tu as raison, tu as bien fait. Que Dieu te bénisse". Mais pour justifier son attitude, le père rappelait à son fils ses intérêts qui ne pouvaient être sauvegarder autrement. Par ailleurs, à la suite de la bataille de Samba Sadio, un village situé dans la partie orientale du Ndiambour limitrophe du Djolof, qui opposa (en 1875) Ahmadou Cheikhou BA du Fouta au Damel Lat-Dior soutenu par les français et qui fut remportée par l'armée du Damel qui tua Ahmadou et récupéra un butin considérable constitué de biens et de captifs; la plupart était d'ailleurs des musulmans originaires du Djolof, du Fouta et du Cayor. Le Damel demanda à ses conseillers juridiques musulmans s'il était légitime d'asservir ces captifs. Un de ses éminents conseiller juridique lui affirma que cela était d'autant plus légitime que le conquérant s'était proclamé prophète, proclamation qui justifie que l'on verse son sang et confisque ses biens 17[17]. Cet avis fut exécuté quoique la proclamation de la prophétie n'eût jamais était vérifiée par des hommes sûrs. La guerre fut, en réalité, déclenchée pour divers causes bien connues des spécialistes des questions politiques, et qu'il serait trop long de développer ici. A la suite de cette bataille, un des plus haut ministre de Lat-Dior, qui participa à la bataille et obtint une grande partie du butin, se convertit à l'Islam grâce au Cheikh, et celui-ci lui demanda de libérer les captifs qu'il détenait. Il obéit avec conviction. Le Damel et son entourage considérèrent cet ordre comme une annulation de l'avis juridique légalisant l'asservissement des captifs, et s'emportèrent contre Ahmadou Bamba. Les ministres du Damel convoquèrent leur collègue converti et lui dirent: "Comment, ne t'étant pas contenté de quitter une table d'honneur te réunissant à tes égaux, te permets-tu de la souiller?" "En effet, répondit-il, j'ai été troublé par une mouche qui s'est introduite dans mes narines et j'ai agi sous l'effet de ce malaise; je n'ai nullement voulu contrarier". Par ses propos métaphoriques, il entend exprimer la pénétration de l'Islam dans les profondeurs de son cœur. Toujours est-il que ses collègues l'excusèrent, étant convaincus de sa sincérité. Quant à Ahmadou Bamba, le Damel cherchait par des moyens attractifs à l'amener chez lui. Il lui écrivait et lui envoyait des messagers. En dépit de tout cela, Ahmadou refusait de le rencontrer. Cependant, il répondait aux lettres et recevait les envoyés du Damel. Une fois, il dit à un de ceux-ci: "Dis au Damel que j'ai honte que les anges me voient aller chez un roi autre que Dieu". 17[17] Du point de vu du droit musulman, le croyant qui se déclare prophète doit être considéré comme renégat, et, à moins de se repentir, il perd l'immunité que lui conférait sa qualité de musulman et mérite la mort, et ses biens peuvent être confisqués parce qu'il a menti le Coran qui affirme que Muhammad est le sceau des prophètes.
 
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D'autre part, Adama Sall, un des plus anciens Mourides, qui fut originaire du Djolof, a affirmé qu'il avait lui-même transmis au Damel la dernière réponse d'Ahmadou Bamba et qu'elle contenait ceci: "... Muhammad Ibn Maslama a dit: Le théologien musulman qui brique les faveurs d'un souverain ressemble à une mouche qui se nourrit d'une ordure". Le Damel remit la lettre au Cadi Madiakhaté Kala qui était alors un éminent mufit. Ayant lu le message, Madiakhaté dit (pour dissimuler son indignation): Nous sommes à Dieu et nous retournerons à lui 18[18]. - Qu'est ce qu'il dit? Demande le Damel - Vous n'êtes pas visé. C'est moi qui le suis - Au nom de Dieu, dites moi ce qu'il dit! - Il dit: le théologien musulman qui brique les faveurs d'un souverain ressemble à une mouche qui se nourrit d'une ordure. - Je suis plus méprisé, car s'il te compare à une mouche, il me considère moi comme... Mais, Cadi, que penses-tu de lui? - Je crois qu'on doit le laisser. Il serait hasardeux de le réprimer. En effet, s'il est vrai que celui qui le vaincrait pourrait atteindre le plus haut degré d'illustration, il est tout aussi vrai que celui qu'il vaincrait subirait une défaite humiliante. Et je ne le crois que vainqueur. - Tu as raison, Cadi! Il arrive, en effet, que l'homme rencontre dans son champ une parcelle incultivable. - En effet - Considérons le donc comme cette parcelle dans notre territoire. Ainsi se détournèrent-ils de lui et le laissèrent tranquille. Dieu merci. Après que la lettre d'Ahmadou Bamba eut anéanti l'espoir du Damel de le rencontrer, une curieuse coïncidence allait les réunir. En effet, pendant ses tournées, le Damel, accompagné de son Cadi, visita un village situé à proximité de la résidence d'Ahmadou Bamba. Informé de la présence du Cadi parmi la suite du Damel, Ahmadou Bamba s'en fut le saluer pour deux justes raisons: d'abord parce que ce Cadi, comme vous l'avez déjà vu, fut son maître car celui qui t'a appris un mot est ton maître et parce que le Cadi fut l'ami intime de son père. Pour ces deux raisons, il convenait de le traiter avec bienveillance. Arrivé devant les deux hommes, Ahmadou les salua respectueusement, s'assit par terre, attendit un moment, puis informa le Cadi qu'il n'était venu que pour le saluer. Le Damel en déduit immédiatement que Ahmadou était toujours loin de vouloir se réconcilier avec lui. Toujours est-il qu'il se tourna vers son Cadi et dit: - Il convient de lui parler au sujet de ton avis juridique qu'il avait récusé. Nous l'avons 18[18] Formule coranique que l'on récité à l'occasion d'une surprise désagréable
 
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convoqué mais il ne s'était pas présenté. Le voilà maintenant venu de lui-même. - En effet, mon avis est que, Ahmadou Cheikhou s'étant proclamé prophète et ayant tenté d'imposer sa domination par la force, il était légitime de le tuer, de confisquer ses biens et d'asservir ses soldats. Un silence s'ensuivit. Puis Ahmadou s'adressa au Cadi: - Je ne parle que pour te répondre - Oui, tu ne parles que pour me répondre - Tu m'as donc donné la parole? - Oui - Qui est ce qui atteste que l'homme s'était proclamé prophète? - Tous les cayoriens - Accepte-t-on à son égard les témoignages des cayoriens, ses ennemis? - Non, mais ceux des habitants de Samba Sadio qui ont assisté à la bataille. - Les habitants de Samba Sadio furent surpris par des soldats venus de l'Est et de L'ouest, et la bataille fut déclenchée sous l'effet de cette surprise. Dans cette situation, que pouvaient-ils savoir des vrais motifs de cette guerre? La résignation du Damel et son Cadi clôtura la séance et Ahmadou leur fit ses adieux et partit. En face de cette hostilité manifestée à son égard, aussi bien par les pieux croyants que par les impies, un seul chemin lui demeurait sûr: celui qui mène à Dieu Très-Haut. Son attitude dans ces circonstances se résume dans ses deux versets coraniques: "Je m'en remets à Dieu. Car Dieu est bien informé des affaires de Ses Serviteurs" (le Coran 40:44) et "Dieu distingue le bienfaisant du malfaisant" (le Coran 2:218). Cette attitude reflète du reste sa force et sa détermination. Plus énergiques et plus résolus furent cependant ses disciples qui, eux, combattaient leurs adversaires partout. Les derviches parmi eux se jetaient du sommet d'un arbre sans le moindre mal, se jetaient dans le feu et en sortaient indemnes, chantaient les poèmes (du maître) dans les lieux de rencontre de leurs adversaires en vain. Dépossédés de leurs biens, enchaînés, battus, expulsés de leurs propres maisons dans le but de les disperser n'en furent que plus fermes. Comme si les violentes réactions de leurs adversaires exacerbèrent leur volonté de suivre leur guide. Ce fut (grâce à) un secret divin se traduisant dans une force spirituelle émanant de leur guide, qui rejaillit sur eux. Ce guide les encourageait en les assimilant aux Compagnons du Messager de Dieu (P.P.S.S.L). "Les compagnons, leur rappelait-il; subirent une plus grande persécution. Massacres; pillages et expulsions ne les détournèrent cependant pas de leurs objectifs. C'est pourquoi ils méritèrent cet hommage divin"... Les pauvres émigrés expulsés de leurs maisons et dépouillés de leurs biens, qui cherchaient la faveur de Dieu et son agrément et qui soutenaient /la cause de/ Dieu et son messager, sont les vrais hommes sincères (le Coran 859). Ne savez-vous pas que ces hommes furent vos ancêtres spirituels? "Certes, un bel exemple a été donné par le Prophète à tout homme qui croit en Dieu et au jour
 
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dernier" (le Coran 60:5). Demeurez fermes et traitez vos adversaires avec bienveillance. "Oppose la bienfaisance à la malfaisance, ton ennemi devient un intime. Cette conduite n'est possible qu'à ceux qui demeurent ferme: ce n'est possible qu'à un homme très privilégié" (le Coran 41:33). Songez constamment au "Jour où nous appellerons chaque peuple avec leur Imam (le Coran 17:71), vous ne vous soucierez plus de l'hostilité de vos adversaires". Les sermons du Cheikh les contentaient et encourageaient au point qu'ils criaient et dansaient... A cette époque, Ahmadou multipliait les poèmes "scientifiques" et les poèmes élogieux. C'est ainsi qu'il écrivait "Masâlik al-Jinân " (l'itinéraire du Paradis), un incomparable livre de mystique composé de 1553 vers et "Mawâhib al-Quddûs " (les Grâces de l'Eternel). A la même époque Ahmadou plaça à la tête de ses disciples les plus grands parmi eux tels que Cheikh Ibrahim FALL, Cheikh Ibrahim SARR, Cheikh Anta Mbacké GUEYE, Cheikh Hassan NDIAYE et leurs pareils. Devant l’hostilité croissante de ses voisins de Mbacké-Baol, Ahmadou quitta ce village et construisit à l'Est une résidence baptisée Darou Salam et s'y installa au mois de Safar de l'an 1304 (Novembre 1886)... Ce souci de s'éloigner de ses adversaires ne lui épargna pas leur méfaits. Il resta un an à Darou Salam. Pendant ce temps ses disciples observaient une conduite irréprochable, leur solidarité se renforçait et leur nombre ne cessait de croître. Les groupes de visiteurs se succédaient chez lui et des biens affluaient vers lui comme une pluie. Ensuite, il construisit à 5 km au nord-est de Darou Salam un village baptisé TOUBA à la fin de l'an 1305 ou au débute de 1306 (1887-1888) et s'y installa avec sa famille. Notre Cheikh Muhammad al-Fadil MBACKE (1889-1968), le deuxième successeur d'Ahmadou Bamba, m'a informé que son frère et prédécesseur Muhammad Al-Moustapha MBACKE, naquit à Darou Salam dans la nuit du vendredi 11 muharram de l'an 1306 (17 septembre 1888) avant le départ d'Ahmadou Bamba de ce village. Muhammad al-Fadil lui même naquît le 27 Rajab de la même année hégirienne (29 mars 1889) c'est à dire six mois et 17 jours après son frère susmentionné. Que Dieu bénisse tous les deux! Cheikh Mouhammad al-Amîn, le frère germain du Cheikh Moustapha naquit en 1308 ou 1309 (1890-1891). Durant son séjour à Touba (1888-1895), Ahmadou Bamba se déplaçait entre ses différentes résidences telles que Darou Minan, Darou Rahmane et Darou Quddûs. Seul Dieu OMNISCIENT sait les détails de sa vie intime à cette époque et de ses rapports avec son SEIGNEUR et des différents aspects de l'éducation et de l'enseignement qu'il donnait à ses disciples et ses relations avec les dignitaires religieux marquées par des tiraillement à cause de ses fils 19[19] et à cause de la conversation de leurs propres disciples à sa voie, ainsi que ses disputes avec les souverains et leurs "ministres" qui voyaient en lui une menace sérieuse à leur pouvoir... 19[19] Il entend apparemment les fils spirituels du Cheikh: ses disciples, car ses deux enfants (Moustapha et Fadil) étaient trop jeunes pour susciter des tiraillements entre leur père et ses coreligionnaires.
 
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Quoi qu'il en soit, sa conduite demeurait irréprochable, ses disciples lui obéissaient strictement. Les disciples qu'il renvoyaient chez eux tout comme ceux qui demeuraient auprès de lui observaient une droite conduite. Telle était leur situation jusqu'aux événements aboutissant à l'exil d'Ahmadou Bamba.
 
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CHAPITRE TROISIEME LE DEPART D'AHMADOU BAMBA POUR LE DJOLOF
 

 


LE DEPART D'AHMADOU BAMBA POUR LE DJOLOF A propos de ce déplacement, Cheikh Mbacké BOUSSO m'a informé que, quand le nombre des habitants de TOUBA s'accrut considérablement à la suite du mariage d'une grande partie des disciples et de l'immigration de nombreuses familles villageoises à TOUBA, les hommes qu'Ahmadou Bamba avait choisi pour les éduquer spirituellement se confondirent avec les autres éléments, d'où la perturbation du système qu'il avait établi et pour la réalisation duquel il avait séparé ceux parmi ses adhérents qui voulaient apprendre le Coran et les sciences religieuses de ceux qui s'intéressaient plutôt au travail. Le mélange de ces deux groupes lui fut certes inacceptable. Mais ce qui l'inquiétait le plus c'était le mélange de ses compagnons avec des éléments étrangers. A cette situation il faut ajouter un désir brûlant d'accomplir le pèlerinage à la Mecque et de visiter le généreux Prophète (P.P.S.S.L), désir qu'il avait même révélé à certains de ses intimes... Muhammad B. Hamad, un de nos condisciples maures de la tribu des Banu Daymane, m'a informé qu'il avait eu à ce propos la conversation suivante avec Ahmadou Bamba en 1895 à TOUBA. - Veux-tu te rendre aux deux nobles Sanctuaires? - Mais si, au nom de Dieu! Qui pourrait m'en donner les moyens? - Va te préparer et rejoins-moi à la fin de cette année. A peine ai-je commencé à préparer ses affaires et celles de ma famille qu'Ahmadou Bamba quitta TOUBA. Alors j'ai dit: "Nous sommes à Dieu et retournerons à Lui". Cheikh MBACKE BOUSSO dit encore: "Troublé par un motif objectif consistant dans la confusion déjà signalé et un motif subjectif qui était son désir ardent d'accomplir le pèlerinage à la Mecque, Ahmadou Bamba m'a convoqué et m'a fait part de ses préoccupations et m'a consulté à propos de la fondation d'une résidence où il pourrait maintenir la séparation établie entre d'une part les deux principaux groupes de ses disciples: Les étudiants et les travailleurs, et, d'autre part, entre ceux parmi le premier groupe qui apprenaient le Coran et ceux qui apprenaient les sciences pour permettre à chaque groupe de se consacrer à son activité propre. Ensuite, il m'a appris qu'il voulait désigner Cheikh Abdou Rahmane LO pour assurer l'enseignement coranique, et son frère Cheikh Ibra Fati celui des sciences religieuses, et que seul ces deux hommes et leurs élèves seraient autorisés à le rejoindre à sa nouvelle
 
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résidence, toutes les familles y compris la sienne devant rester à TOUBA. Quant à moi, il m'a dit: "Tu resteras à TOUBA pour accueillir les visiteurs et recueillir leurs présents. Tu pourras m'envoyer celui que tu voudras et renvoyer chez lui celui que tu voudras. J'approuve toutes les décisions allant dans ce sens. J'ai approuvé son opinion et lui ait dit que c'était une opinion dont l'application serait bénéfique, s'il plaît à Dieu. Dés lors, il se mit à se préparer discrètement ne révélant ses intentions qu'a ses intimes. Quand il prit enfin la ferme résolution de partir, il jugea indispensable d'en informer son oncle maternel, mon propre père (qui m'avait laissé à sa disposition et n'intervenait jamais dans nos rapports comme s'il n'avait pas besoin de moi). Informé, mon père fut fort inquiet parce que conscient de la jalousie et de l'impatience des souverains du Djolof et sachant que ses habitants ne toléreraient pas que leurs enfants et leurs compatriotes rejoignent Ahmadou Bamba et que ceux d'entre eux qui le rejoindraient ne demeureraient pas ferme avec lui, à la différence des gens du Baol. En somme, il craignait qu'Ahmadou ne fût rejeté à la fois par les chefs temporels et les chefs spirituels du Djolof. C'est pourquoi en homme jouissant d'une longue expérience, il s’évertue à le dissuader en lui révélant les plus subtiles caractéristiques des habitants de ces contrées, lui qui savait que l'objectif de son neveu était inconciliable avec leurs habitudes Mais le Cheikh s'était déjà décidé et tenait fermement à exécuter sa décision à l'instar des grands soufis pour qui la détermination constitue un des principes fondamentaux de la Voie et qui considèrent la révocation d'une décision comme une concession au détriment de la foi, concession à laquelle ils préfèrent la mort. En substance, Ahmadou Bamba quitta au mois de Chawal de l'an 1312 (avril 1895) en compagnie de ses talibés et se dirigea vers le Djolof. Plusieurs facteurs déterminèrent son choix pour cette contrée. D'abord l'existence dans le Baol à cette époque d'un endroit qui lui convenait mieux, ensuite le fait que le Djolof était la patrie de ses ancêtres, enfin l'éloignement de cette contrée dont les habitants ne disposaient pas d'une force assez importante pour nécessiter de sa part une résistance armée (ce qui n'était d'ailleurs pas dans ses habitudes). Toujours est-il qu'il se fixa à MBACKE-BARI, une localité du Djolof et commença à construire une résidence. Au même moment, il s'entretint avec certains représentants du Roi du Djolof: Son intransigeance manifestée dés leurs premiers entretiens fit dire à ses interlocuteurs: "Nous ne sommes pas habitués de voir nos sujets nous traiter d'égal à égal." Ces hommes cherchent le pouvoir, ils sont venus nous le disputer sur notre propre territoire. Nous recevions leurs nouvelles depuis longtemps. Ils ne connaîtront pas la paix chez nous ils ne s'installeront même pas tant qu'ils n'auront pas changé d'attitude. Et des dires semblables corroborent la description que l'oncle d'Ahmadou Bamba lui avait faite de leur caractère... Quoi qu'il en soit, quand Dieu veut réaliser une affaire, il en prépare les moyens. Autrefois un poète dit: "Quand Dieu veut montrer une vertu que l'on cherche à dissimuler, il le fait sur la langue d'un homme jaloux".
 
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D'autre part, une des faveurs divines accordées au Cheikh consiste à l'engager dans la Voie de ses alliés. "C'est la Voie tracée par Dieu, que tu ne trouveras altérée" (48:23). Nul ne se voue entièrement à Dieu sans que Dieu l'éprouve par l'intermédiaire d'adversaires lui permettant préjudice. Dieu se comporte ainsi pour se réserver ses alliés jalousement en les empêchant de pencher vers un autre que lui. Il se dévoile à eux ou par sa beauté ou par sa Majesté. La 1ère sorte de dévoilement attire des hommes vers eux tels des papillons qui se précipitent dans le feu. Dieu leur soumet des hommes et leur ouvre les sources de Sa miséricorde, et les bienheureux tirent profit de leur compagnie. La seconde sorte de dévoilement rend des hommes hostiles à eux au point de devenir leur ennemis, de leur manquer de respect, de les considérer comme égarés et désapprouver leur conduite et celle de leurs adhérants. Ce qui n'exclut pas la protection providentielle dont ils jouissent souvent, protection dont Dieu ne prive que celui qu'il veut éprouver pour des raisons dont il se réserve la connaissance; ils laissent ses ennemis maltraiter celui-là pour les châtier dans l'Au-delà. "Certes, Nous châtierons les malfaiteurs" (32:22) - Que Dieu nous accorde le salut. Telle fut la situation d'Ahmadou et ses disciples après leur arrivée au Djolof. Quant à ses adeptes restés derrière lui, Cheikh MBACKE BOUSSO dit à leur propos: "Quand ils apprirent l'installation du Cheikh dans le Djolof, les adhérants de chaque contrée empruntèrent l'itinéraire le plus court pour se rendre auprès du guide. De même les "Mustarifidûn" 20[20] qui n'avaient besoin que de la personne du Cheikh, quittèrent TOUBA ou ne restaient que les habitants et les voyageurs en passage. Ce nouveau massif annule le plan qui prévoyait l’accueil et l'hébergement des visiteurs à TOUBA... et comment pouvaient en être autrement alors que la situation échappait à tout contrôle?" Les chefs traditionnels qui avaient vu les débuts du mouvement des Mourides, réalisèrent leur importance actuelle. Ceux qui ne les avaient pas connu, les connaissaient maintenant, la nouvelle de leurs disputes avec les souverains du Djolof s'étant répandue partout. Ainsi fumes-nous entourés d'ennemis de tous bords. Cependant, les souverains et leurs "ministres" qui ne vivaient que grâce aux massacres, à l'asservissement des hommes et au pillage de leurs biens (ce qui fut une vielle tradition héritée, de leurs ancêtres) ne pouvaient pas nous attaquer, d'abord parce qu'il était dans leur tradition d'épargner leurs méfaits à certaines grandes familles telles que celle d'Ahmadou Bamba ainsi que leurs protégés, en suite et c'est plus dissuasif encore - parce qu'ils avaient peur du puissant Etat français...Les français avaient l'habitude, chaque fois qu'ils avaient occupé un pays de le gouverner avec l'aide des chefs locaux par pitié des populations et pour se rapprocher d'elles! - Quels politiques! Ainsi, conformément à leur habitude, maintinrent-ils à la tête des sujets ces rois et "ministres" qui gouvernaient le territoire avant leur arrivée. De plus agissant sans la moindre opposition, ces derniers 20[20] Ceux qui étaient venus solliciter les prières du Cheikh
 
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durent se référer à des agents serviles du colonisateur (combien est transcendant l'autre qui agit sans opposition!)... Ne pouvant plus perpétuer leur vielle tradition pour les deux raisons soulignées plus haut, les chefs traditionnels tentèrent de persécuter les Musulmans par l'intermédiaire de leurs nouveaux maîtres. Dans une intéressante remarque, MBACKE BOUSSO souligne que les chefs traditionnels ne voulaient pas amener l’état à écraser les Musulmans, car ces derniers demeuraient leur "sujets" - même si leur autorité sur eux était devenu précaire. Ils cherchaient plutôt un prétexte pour s'emparer de leurs biens. C'est dans l'espoir de se voir autoriser à attaquer les Musulmans qu'ils disaient aux Français "Un tel vous hait, un tel refuse de s'acquitter de votre impôt, un tel s'attend à une imminente révolte, un tel s'arme et prépare des chevaux ou est bien écouté ou a de très nombreux partisans qui le vénèrent tellement que s'il leur donnait l'ordre de se jeter dans la mer, ils le feraient... Parmi d'autres mensonges produits de leur imagination. Les Français étaient certes trop avertis des questions politiques pour ajouter foi à leurs dires. Pourtant, à force de les entendre répétés par des homme qui prétendaient être leurs agents et collaborateurs, ces mensonges finirent par créer des soupçons chez les français. D'autant plus que les Français n'avaient jamais rencontré l'homme dont on leur parlait et ne l'avait connu que par de mauvais intermédiaires et d'autant plus que ceux-ci, pour appuyer leurs thèses comparaient le mouvement d'Ahmadou Bamba à ceux de ses prédécesseurs qui avaient dégénéré en des guerres sanglantes, comme ce fut le cas d'Al-Hadji Omar Foutï (1864), un toucouleur qui avait déclenché une guerre sainte contre ses compatriotes païens dans les années 1850-1860, et d'un Wolof du Saloum du nom de Malick BA surnommé MABA (M. 1867) qui mena une guerre sainte dans les année 1860-1870, et d'un autre toucouleur appelé Ahmadou Cheikhou qui entreprit une guerre semblable contre les habitants du Djolof et du Cayor et fut tué à la bataille de Samba Sadio en 1875. C'est grâce à ces procédés qu'ils réussirent à se faire écouter par les autorités coloniales qui désormais, se trouvaient dans l'obligation de vérifier les informations en leur possession. Mais au delà de tout cela, le décret irrévocable de Dieu constituait la cause la plus déterminante de l'arrestation par les Français de ce Seigneur pacifique qui n'a jamais troublé ni un berger dans ses pâturages ni même un fauve dans sa forêt et qui du reste était si éloigné des chercheurs de gloires terrestres que le couchant du levant. Avant ces événements il était inimaginable de voir Ahmadou Bamba en conflit avec un chef national à plus forte raison avec un puissant colon. Ce qui lui arrive ne fut que vérification de cette tradition du Prophète (P.P.S.S.L): "Les plus éprouvés des hommes sont les prophètes puis les saints puis les meilleurs". La règle fondamentale qui régit la vie religieuse de la communauté musulmane veut que plus la foi est solide, plus le croyant est détourné des honneurs et plus il subit des épreuves. Un hadith recueilli par Muslim et d'autres dit: "Le monde est une prison pour le croyant et un paradis pour les mécréants" et le Très-Haut dit: "La vie future est meilleurs pour les hommes pieux" (le Coran 43:34). Se trouvant ainsi dans l'obligation d'enquêter sur le mouvement d'Ahmadou Bamba, les
 
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autorités coloniales lui firent parvenir plusieurs convocations parce qu'il attendait un ordre de son Seigneur et de son Patron (P.P.S.S.L). Pour les coloniaux, ce retard traduisit la volonté de ne pas se rendre auprès d'eux. C'est pourquoi ils dépêchèrent à sa recherche un détachement peu important par rapport aux forces dont ils disposaient car la situation n'était pas encore alarmante à leurs yeux mais très important par rapport à nous. Telle était l'attitude de l’état à l'égard du Cheikh. CHAPITRE QUATRIEME LA DEPORTATION D'AHMADOU BAMBA Pour ce qui est d'Ahmadou Bamba, quant il reçut l'ordre de son Seigneur et de son Patron (P.P.S.S.L), il fit ses adieux à ce dernier qui établit autour de lui un "mur de sûreté" le protégeant de tout mal comme il l'a dit et écrit: L'Elu (que Dieu le salue ainsi que les siens et ses partisans) A établi autour de moi une barrière m'évitant tout mal Et m'a dit: "marche et ne craint pas la tromperie" Ce fut le samedi 18 Safar de l'an 1313 de l'Hégire (18 Août 1895) qu'Ahmadou Bamba quitta la résidence qu'il avait construit dans le Djolof pour l'acquisition et la diffusion de la science. Son départ coïncida avec le départ de Louga du Commandement de la troupe chargée de son arrestation. Ils rencontrèrent à Djéwal au soir du même jour. (C'est en Djumada II de cette année que naquit Muhammad al-Bashir fils d'Ahmadou Bamba) UN INCIDENT PRODIGIEUX Cheikh Banji NDIAYE, plus connu sous le nom de Banji Khojja, qui fut parmi les compagnons d'Ahmadou Bamba ce jour-là, m'a dit qu'à leur arrivée à Djéwal, ils manquèrent d'eau, car il n'y en avait que très peu dans la localité. L'aiguière du Cheikh était vide. Dans cette situation un inconnu se présenta inopinément, qui portait une outre pleine d'eau. Nous lui parlâmes sans qu'il pût nous comprendre, et nous lui tendîmes une vaisselle et il la remplit. Nous en bûmes et le Cheikh en fit ses ablutions, lui qui ne pratiquait pas le "Tayamnun" 21[21]. Pendant ce temps, l'individu disparut sans que nous eussions le moindre renseignement sur lui. Ce fut une "karûma (2) (Prodige) du Cheikh... Par ailleurs, voici ce que dit Ahmadou Bamba à propos de ce voyage: "Après la prière d'Asr, le commandant de la force coloniale vint me parler. Mais je me 21[21] Le "Tayamnun" consiste à se frotter les mains et le visage avec le sol propre en vue d'une purification rituelle. Cette pratique est tolérée en l'absence de l'eau ou dans le cas où son utilisation peut porter atteinte à la santé du fidèle.
 
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détournai de lui, me tournai à Dieu et récitai la Basmala (3) 50 fois, ce qui atténua son ardeur et apaisa sa fureur. Puis il alla vaquer à ses occupations, et nous passâmes la nuit dans cet endroit avec le 'ministre' noir (4)." A ce propos, il écrit ces vers également: Après avoir rencontré ceux qui allaient à ma recherche, les cœurs troublés, Nous allâmes vite ensemble à la rencontre du gouverneur. A l'heur de la prière d'Asr, nous priâmes tous ensemble dans l'humilité. Après la prière, nous rencontrâmes le gouverneur entouré de gardes et de visiteurs. M'étant détourné du gouverneur, je me tournai vers Dieu le Généreux Afin d'obtenir la satisfaction de mes besoins. Au même moment, je récitai la Basmala 50 fois avec l'humilité. Pour obtenir l'aide de celui à Qui aucun ennemi ne peut résister Le gouverneur sortit vite vaquer à ses occupations. Et je passai la nuit dans cette localité et y restai jusqu'à... (Par "visiteurs", il fait allusion à son mouride Omar NIANE, le Cheikh de Gandiar NIANE, localité située prés de Louga. En effet, Omar jouissait d'une grande considération auprès du Cheikh et lors de sa mort, le Cheikh lui attribua de nombreuses faveurs et lui promit une récompense égard. Omar fut enterré à Diourbel). Revenons en au voyage d'Ahmadou Bamba qui quitta Louga sous l'escorte de l'armée dont les soldats le connaissaient et respectaient et se réjouissaient même de sa compagnie. Mais un de leurs supérieurs fut son ennemi. Dieu sait ce qu'il en fut. Ahmadou affirme que cet homme était le gendre du gouverneur de Dakar et ce fut la raison pour laquelle étaient acceptés tous ses jugements à son encontre. Il fut, dit encore Ahmadou Bamba, mon principal accusateur. Il ne disait ni ne faisait rien de bon à mon égard et ne tolérait non plus qu'un autre le fit. Il décida de m'expatrier malgré l'opposition de ses collègues. Sa décision coïncida avec le décret et le jugement de Dieu. Si mon séjour à Saint Louis si prolongea c'est parce qu'il mirent du temps à mettre d'accord sur mon sujet. Puis il cite ce verset: "Rappelle l'heure où les infidèles rusaient pour t'emprisonner ou te tuer ou t'expulser, ils rusaient, mais Dieu aussi rusait, et Dieu est le meilleur de ceux qui rusent 22[22]. Certains des membres du conseil (tenu pour décider de mon sort), poursuit-il, proposèrent de me mettre en résidence surveillée à Saint Louis. Cette proposition fut adoptée à l'unanimité. A ce propos, j'ai dit: Dieu a inspiré à ceux qui m'avait arrêté l'idée de m'exiler en des pays lointains Où j'ai acquis pourtant de grandes faveurs, Ainsi se vérifia la parole divine: "Dieu est le meilleur de ceux qui rusent". En effet, en face des trois propositions citées plus haut (la mise en résidence surveillée, l'exécution et 22[22] Cf. le Coran (8:39). Il ne faut pas entendre le terme "ruser" au sens littéral, car il signifie ici que Dieu a fait échec au complot mijoté contre Son Envoyé. La "ruse" de Dieu désigne le procédé par lequel il châtie ses ennemis
 
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l'expatriation), Dieu m'a récompensé de trois faveurs. Il est vrai que, lors de ma déportation j'avais atteint le rang des grands Cheikh en matière d'Islam, d'Iman et d'Ihsan, mais je poursuivais encore un triple objectif dont l'irréalisation me troublait et constituait le coup le plus dur. Il s'agit de la perfection de l'Islam consistant dans la certitude, et la perfection de l'Ihsan consistant dans l'arrivée à Dieu Très-Haut. Cet objectif ne se réalisa que grâce à mon séjour parmi ces coloniaux (rusés) quoique leur fréquentation engendre habituellement la perte de la foi - Que Dieu nous en protège! CURIEUSE ANECDOTE Cette anecdote m'a été racontée par Ahmadou Bamba à propos de son principal accusateur qui avait exigé son exil: "Pour ce qui est du sort de ce colon, dit Ahmadou Bamba, j'ai appris pendant mon exil qu'il était tombé en disgrâce et que, à la suite de l'examen de son cas, il a été décidé de l'affecter à l'île où il m'avait envoyé. C'est un châtiment divin. A ma grande surprise, on m'apprit que cet homme se trouvait dans l'île. Par honte ou par peur, il passa dans l'île un temps en évitant de me rencontrer. Pourtant il disait à celui qui était chargé de me surveiller: "Ne fais pas de mal à ce marabout. Car il fut à l'origine de ce qui m'est arrivée. Ne fais que lui remettre sa pension mensuelle". Cette recommandation changea considérablement l'attitude de son interlocuteur et rendit l'exil moins pénible. Ainsi Dieu amoindrit-il grâce à lui les maux qu'il avait causés. Plus tard, il fut affecté à Kaya où un sorcier Bambara l'ensorcela et il mourut misérablement dans la case d'une Bambara. "Regarder le sort que subissent les injustes" (le Coran 10:39). Le destin de cet homme ressemble à celui d'Amir Ibn Tufayl, un ennemi du Prophète (P.P.S.S.L), qui tomba malade et se réfugia dans la tente d'une femme de la tribu de Salîl et se plaignait de son sort en disant: Serais-je atteint d'une gale comme un pauvre chameau! Mourrai-je si misérablement chez une salûlienne! Dans un poème composé sur les lettres du verset: "Tel est le Paradis qui a été promis aux pieux...Voilà la fin de ceux qui pratiquent la pitié..." (le Coran 13:35). Ahmadou Bamba dit encore à propos de cet injuste agent des autorités coloniales: L'injustice que je subissais a été écartée grâce à l'aide d'un puissant Qui a brisé l'arme de l'homme orgueilleux. Je lui suis reconnaissant d'avoir tué l'homme qui a rusé (contre moi) En l'an 1313 (1895) et dont la mort m'a tranquillisé Il ne cherchait qu'à me vexer. Mais après de grand efforts, il échoua. Surpris par le châtiment de mon Seigneur, Il erra dans les îles et sur la terre ferme Après avoir été trahi par ses collègues. Le Ministre africain (cité plus haut) était un musulman dont la famille est bien connue. Mais je me tais sur lui par crainte de souiller ma plume! J'en ferai de même à l'égard de
 
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son frère christianisé, l'administrateur colonial qui se moquait d'Ahmadou Bamba chaque fois qu'il le rencontrait. Dieu s'occupera d'eux. J'ai d'ailleurs vu ce que Ahmadou avait écrit à propos de ces hommes. Nombreuses personnes qui les connaissent bien m'ont informé que l'un et l'autre ont subit une triste fin. Celui qui servait au Sénégal mourut à Dakar et celui qui servait dans les autres colonies mourut à Conakry. (Que Dieu nous protège ainsi que tous les musulmans de leur sort. Amen!) Revenons en au voyage du Cheikh (Que Dieu Très-Haut l'agrée). A ce propos, il dit: "Ce jour-là, j'ai souvent récité (ce verset): Certes, mon allié c'est Dieu qui a révélé le Livre: C'est lui qui s'occupe des pieux gens, (le Coran 7:196)". C'est ce qu'il entendait quand il dit: A Djéwol, Dieu a désespéré Iblis de moi, Quand je l'ai invoqué en disant: "O Mon Allié!..." Le Cheikh y passa la nuit. Après la prière du matin, il quitta cet endroit pour Coki où il passa la journée. A partir de ce moment, il commença la composition de son poème comprenant les noms des compagnons qui avaient assisté à la bataille de BEDR en l'an 2 de l'Hégire. A ce propos, il dit: Après avoir passé la journée (à Coki), j'ai commencé La composition d'un poème qui m'a valu une grande récompense. C'est à la fin d'une journée de Dimanche qu'il quitta Coki après la prière d'Icsha. Certains compagnons du Cheikh dans ce voyage m'ont précisé qu'il quittèrent Coki la nuit du Lundi à l'apparition de la lune. Nous partîmes, ajoutent-ils, alors qu'une pluie fine tombait. Quant au Cheikh, il dit: Cette nuit là j'étais monté sur un jument si rapide que les chevaux des gardes se donnaient grand peine pour le rejoindre. Parfois un des gardes me disait, Marchons doucement, ne nous fatiguons pas. - Mais, venez! Comment des hommes dépêchés par leur chef pour accomplir une mission se permettent-ils de marcher doucement? leur disais-je. Et ils se taisaient. A ce propos, il dit également ce vers: Après avoir passé la journée à Coki, nous reprîmes la marche avec fermeté à l'issue de la prière d'Icsha malgré les difficultés. Nous arrivâmes à Louga avant la prière du matin Après que j'eusse passé la nuit en marche en récitant ... et en éperonnant mon cheval. Il récitait ces deux vers de Boussayri (1212-1996) Même les lions les plus féroces reculent Devant un homme qui jouit du soutien du Messager de Dieu. Pour sa grande vénérabilité, ce Messager, même étant seul, s'imposait comme un homme entouré de gardes et de Partisans
 
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Il éperonnait son cheval pour qu'il fut plus rapide. Puis nous arrivâmes à Louga avant la prière du matin et y passâmes la journée, dit encore Ahmadou Bamba. Il m'est raconté que, quand il se trouvait à proximité de Louga, un agent de l'administrateur coloniale qui sympathisait avec lui, lui conseilla de se préparer à la rencontre de ses ennemis. D'un ton sûr, Ahmadou Bamba lui dit: Dieu est Tout-Puissant et ne tarde pas à accorder son soutien à son allié. Après leur arrivée à Louga, le même agent se rendit de nouveau auprès d'Ahmadou Bamba et lui dit: Naguère je t'avais conseillé de vous armer parce que tu allais rencontrer tes ennemis et tu m'as dit: Dieu est Tout-Puissant et ne tarde pas à accorder son soutien à son allié. Je voudrais savoir le rapport entre mon conseil et cette réponse. J'entendais, dit le Cheikh, que rien n'était caché à Dieu Très-Haut: ni les entités ni leurs particules, et qu'il est omniprésent et que, s'il veut me défendre, aucun ennemi ne pourra me faire du mal et si, au contraire, il ne veut pas me défendre, personne ne pourra le faire. Si Dieu fait qu'un mal te touche, il n'est personne alors pour te le repousser que lui. Et s'il te veut un bien, il n'est personne alors pour repousser sa grâce...(le Coran 10:107). Le Très-Grand Dieu a dit la vérité et notre Seigneur son Généreux Messager, nous l'a bien longtemps transmis. L'agent partit-il satisfait. Car le Cheikh lui a montré son état d'abandon de Dieu. Sa part de l'héritage spirituel du Prophète (P.P.S.S.L) qui disait "l'abandon de Dieu, c'est mon état et l'utilisation des moyens ordinaires est conforme à ma sunna celui qui se sent trop faible pour imiter mon état". Le Cheikh avait donc hérité une immense part de l'état du Prophète (P.P.S.S.L) et demander à Dieu de leurs livrer du Feu: Sa connaissance de mon état me dispense de le lui demander! Le Cheikh fut Muhammadien par caractère et Abrahamien par préoccupation. Il amalgamait dans sa conduite la conformité à l'état du Prophète et l'application de la Sunna. Voici maintenant un exemple de son application de la Sunna: un jour, il nous a montré un poème composé sur les lettres du verset :"Dieu nous suffit et quel excellent protecteur Il est"(le Coran 3:175). Et nous a dit: J'ai sollicité la protection divine dans ce poème à la veille de mon départ du Djolof après que le Messager de Dieu eût assuré ma protection et m'eût autorisé de partir en me disant: "Marche et ne crains aucun mal". Je reproduit le poème dans son intégralité afin que puisse l'utiliser tout musulman désireux de se protéger d'un mal et afin de montrer qu'il lui avait été révélé qu'il serait protégé contre ses ennemis. (N'oubliez d'ailleurs pas que "l'heur du vendredi" (1) se situe entre la prière d'Asr et le coucher du soleil). Voici le texte du poème. Je loue celui qui me préserve des méfaits De tout démon, Djinn ou être humain. Qu'il est transcendant ce Seigneur protecteur Auprès de qui je cherche protection contre l'épreuve et le châtiment Je sollicite à tout moment Sa protection contre mes propres pas
 
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Contre le Diable ainsi que tout ce qui est de nature à nuire. Je me suis résolu à continuer de l'invoquer en demandant l'intercession de Son Ami, le plus privilégié des intercesseurs: Ahmadou le Seigneur des hommes que je salue. Tout en demandant son intercession auprès de mon Seigneur Je demande à Mon Seigneur de me protéger par considération pour lui des calamités et des attentats des agresseurs. O Mon Seigneur, les créatures t'appartiennent; protège-moi donc Contre elles, ainsi que contre toute épreuve et châtiment O préservateur, je te confie mon âme; Et tu demeureras toujours mon Compagnon. Accorde-moi ce que je désire ici-bas comme dans l'Au-delà Et protège-moi de la honte dans cette vie là comme dans la vie future O Seigneur! je me suis tourné vers TOI Avec l'aide de mon Intercesseur qui me suffit Mets-moi à l'abri de tout ce qui nuit Ecarte de moi tout ce qui trouble l’esprit. Dissuade les ennemis tous par l'intermédiaire du Prophète (P.P.S.S.L) Et des généreux et vaillants soldats du BADR. Accorde-moi la faveur d'entrer tranquillement Dans ton rempart bien gardé où l'on est à l'abri des ennemis. C'est à Toi que je m'en remets toujours de l'entretient de mes affaires Car tout homme qui se réfugie auprès de Toi ne sera jamais repoussé De même que Tu m'a préservé de l'impiété Protège-moi Ô Bienfaiteur des méfaits des impies de toutes les épreuves Empêche les mains des soldats de me toucher, Par l'intermédiaire des soldats de Badr, et fait d'eux mon escorte O Bienfaiteur! Ne me déconsidère pas; Sois en ma faveur Dans cette vie comme dans la vie future, et pardonne-moi Accorde éternellement salut et paix A l'Elu ainsi qu'aux siens et à ses Compagnons Ils revinrent donc avec un bienfait de la part de Dieu et une grâce, que nul mal ne les toucha; et ils visèrent l'agrément de Dieu. Dieu est détenteur d'énormes grâces (le Coran (3:174)). Puis il dit: Louange à Dieu qui nous a guidé (le Coran (7:43))... et la fin de leur invocation: Louange à Dieu, Seigneur des mondes (le Coran (10:10)). Regardez comment il se protège en utilisant cette parole (le Coran (3:174)) que Dieu a louée comme il a loué les compagnons qui l'avait utilisée jadis et dont il parle ainsi: c'est à eux que l'on disait: "Oui, les gens se sont rassemblés contre vous, craignez-les". Cela accrut leur foi, et ils disaient Dieu nous suffit: "Il est la meilleur garantie"(3:173). A ces prétentions spirituelles s'ajoute une autre exprimée ainsi: quand le commandant européen de l'armée vint me parler lors de notre rencontre à Djéwol, je me suis détourné de lui et me suis tourné vers Dieu avec humilité en demandant sa Protection. J'ai récité la formule AU NOM DE DIEU, LE CLEMENT, LE MISEROCORDIEUX 50 fois. Alors sa dureté s’atténua et sa colère s'apaisa. Dit Ahmadou Bamba. J'ai appris de source sûre que
 
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durant l'exil d'Ahmadou Bamba, son frère, Cheikh Ibrahim, faisait dire tous les jours matin et soir 100 prières sur le Prophète (P.P.S.S.L) avec l'utilisation de cette formule: Mon Seigneur, Prie sur notre Seigneur MUHAMMAD une prière grâce à laquelle tu nous préserveras de toutes les terreurs et malheurs et satisferas nos besoins et nous purifieras de tous les défauts et élèveras nos grades et nous aideras à atteindre le sommet du bien dans cette vie et dans l'autre. Cette prière était dite après la lecture du Coran de bout en bout. Cette lecture était effectuée matin et soir avant le départ du Cheikh pour l'exil. Quant à la prière, elle n'était pas dite de façon permanente. Il se peut que sa perpétuation fût un ordre du Cheikh ou une initiative de son lieutenant pieux et soucieux de sa sécurité et de son retour. Cheikh Ibrahim a désigné un groupe chargé d'effectuer cette prière matin et soir. Le groupe était dirigé par un jeune homme originaire de Coki nommé Samba DIOP, plus connu sous le nom de Samba Ashtou. Cet homme pieux mourut au terme d'une longue vie (Que Dieu Très-Haut lui accorde Sa Miséricorde). Une autre de ces mesures de protection consiste dans la composition d'un poème où il demande à Dieu d'assurer sa protection par l'intermédiaire des soldats de BADR. Ce poème fut écrit pendant le séjour du Cheikh à Saint Louis. Il y affirmait que ces dits soldats l'accompagneraient dans son exil et humilieraient toute personne lui voulant du mal. Il montra le poème à certains dignitaires saint-louisiens dont Al-Hadji Ahmad NDIAYE Mabèye à qui il recommanda d'apprendre par cœurs le premier vers du poème et le garder en mémoire jusqu'à leur prochaine rencontre. Celle-ci eut lieu sept ans et quelques mois plus tard, et le pieux Ahmad NDIAYE lui rappela le vers et pleura longuement (Que Dieu répands sa miséricorde sur lui). Voilà quelques unes parmi tant d'autres mesures de protection qui ne nous sont pas révélées. Un jour, je l'ai entendu dire que durant son exil il n'a cessé de lire. La collection de la mer établie par l'Imam As-Chadhlie (M. 656). Il s'agit d'une importante collection (Hizb). L’intérêt que le Cheikh y a porté suffit pour prouver son importance. Revenons en au vers qu'Ahmadou Bamba recommanda à Ahmad NDIAYE Mabèye d'apprendre par cœur. Il débute (comme nous l'avons dit) un admirable poème dans les quinze premiers vers duquel Ahmadou Bamba révèle certains secrets de son séjour parmi ses ennemi et affirme qu'il demeurait à l'abri de leur méfaits et qu'ils étaient trompés par Iblis (le diable) qui leur avait suggéré toutes sortes de soupçons à égard. Leurs soupçons furent dissipés, et il retourna chez lui indemne. Voici le poème: Je marchais en compagnie de Pieux, quand je marchais. Pourtant les ennemis me prenaient pour un captif Grâce au Prophète, ma marche vers Dieu s'effectue en compagnie des meilleurs. Et je ne me dirige point vers un autre que Dieu Je me déplace grâce au "Jadhb": l'attraction divine qui m'a amené A un Généreux à qui il est facile de réaliser mes objectifs. Ma reconnaissance exprimé par ma plume, par mon cœur et mon
 
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corps est réservée au digne de reconnaissance qui intervient à Al-Joudi 23[23] Soutient, renforcement et protection contre les ennemis Me sont accordé par le Très-Généreux, car il est l'Assistant Mon Intercesseur demeure mon guide pendant mes déplacement et mon séjour Et je demeure son Serviteur, lui qui est le Serviteur secourable bien récompensé Ma reconnaissance pour le service rendu à l'Elu bien récompensé Est garantie par le Très-Généreux pour sa générosité. Mon vœu, c'est de demeurer un esclave du Propriétaire d'ARCHE Et un Serviteur de la meilleur créature: l'Avertisseur. Grâce à lui, le Protecteur me préserve des méfaits des ennemis Et de tout mal, car lui, le Très-Haut, est protecteur. Mon destin, c'est que je suis son esclave et le serviteur du Prophète Le destin des créatures dépend, en effet, de Dieu. Les mois comme les jours de ma vie, attesteront demain Que je suis un esclave soumis à Dieu, ce qui est déjà connu. Le pardon dont je suis dans ma vie présente et future résulte! des éloges que je fais à Muhammad En poésie et en prose. Quel bon moyen d'obtenir le pardon! Ma semence, c'est le livre de Dieu et la Sunna Grâce à laquelle je me préserve des visées d'un calomniateur. Mes maisons ont été évacuées, mes adeptes dispersés Pour les éloges que je fais à celui que l'on ne saurait louer suffisamment Le trompeur (le Diable) à trompé les coloniaux par ses subterfuges Et leur a suggéré des soupçons. Or les soupçons induisent en erreur. Après la prière d'Asr, dit Ahmadou Bamba, nous montâmes dans une automobile pour nous rendre à Saint-Louis où nous arrivâmes peu avant le coucher du soleil. A propos de son séjour à Saint-Louis, il dit encore: Par l'intermédiaire des vaillants soldats de BADR; Dieu a dissipé mes soucis à Saint-Louis... Nous restâmes ensemble dans la ville Dans une atmosphère tendu et sous une surveillance renforcée. J'y ai passé les dix derniers jours du mois de Safar et la totalité des jours de Rabicu dont le dernier fut un jeudi. Pendant ce temps j'ai terminé et révisé mon poème comportant les noms des soldats de Badr. Par ailleurs, j'ai reçu un grand nombre des dignitaires de SaintLouis et ses environs. Les chefs du Ndiambour sont venus me faire part de leur volonté d'intervenir en ma faveur auprès des autorités coloniales et je leur ai dit de m'abandonner à mon Seigneur qui est plus compatissant avec moi et connaît mieux mon intérêt. Alors ils s'abstinrent. Ensuite Ahmadou Bamba comparut seul sans un autre compagnon que Dieu devant les membres du conseil chargé de l'interroger et juger. "Il nous est parvenu que tu as fait ceci et cela..." lui disent-il. "Faites venir votre informateur, car s'il était présent, on saurait 23[23] C'est le nom de la montagne sur laquelle l'arche de Noël s'arrêta après le déluge
 
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immédiatement la vérité" répondit-il. Puis ils citèrent des accusations inimaginables de la part du moins raisonnable des hommes à fortiori d'un homme de son envergure. Il s'agissait de fausses informations colportées par des calomniateurs à qui la jalousie avait ôté tout pudeur. "Satan les avaient incités à des manœuvres diaboliques et leur avaient dicté des paroles calomniateurs" (le Coran 47:25). Ils avaient proféré des mensonges grossières indignes du moins averti parmi les tenants du pouvoir temporel à plus forte raison d'un sage ayant renoncé à ce pouvoir. Toujours est-il qu'après avoir été jugé, Ahmadou Bamba fut mis dans une automobile à destination de Dakar où il arriva peu avant le coucher du soleil et fut installé dans une maison... Comme il avait jeûné ce jour là, il s'apprêtait à rompre son jeûne et à prier quand un agent se présenta, qui le conduisit dans une cellule très obscure, très chaude et humide qui dégageait une odeur nauséabonde. Le Cheikh comprit alors que c'était une épreuve que Dieu avait voulu lui infliger et devant laquelle il n'existait d'autres moyens que de recourir à lui avec patience, satisfaction et reconnaissance, car il peut écarter des malheurs plus importants. Ainsi se mit il à réciter ce verset: « Certes, nous sommes à Dieu et c'est à lui que nous retournerons » 24[24] « J'ai passé cette nuit, dit Ahmadou Bamba, en récitant les deuxième et troisième sourates du Coran grâce auxquelles je fus préservé de ce qui mène à l'enfer et entraîne la honte, et je fis suivre à cette récitation la prière pour le Prophète, la meilleure créature. Aussi fus-je tranquillisé grâce à Dieu et à son Messager (P.P.S.S.L). « C'est la mention du nom de Dieu qui, en réalité, apaise les cœurs » (le Coran 13:29). Grâce à Dieu, ma nuit redevint paisible ». A propos de cet événement, le Cheikh dit encore: A Dakar, Dieu a écarté de moi Tout préjudice provenant d'un homme rusé. Quand je me souviens de cette nuit-là De cet agent colonial et de la tranquillisation, Je songe à recourir aux armes Puis j'y renonce, car Dieu me défend L'EMBARQUEMENT D'AHMADOU BAMBA DANS UN PAQUEBOT A DESTINATION DU GABON Puis, dit Ahmadou Bamba, nous prîmes nos places dans un paquebot le vendredi (1) 1er Rabicu au matin. Le paquebot passa la journée du vendredi et la nuit du samedi en rade. Pendant ce temps, je reçus un groupe de Mourides dirigés par IBRA FALL venus me faire leurs adieux, les yeux en larmes. 24[24] Cf. plut haut, p.18, la note portant sur cette formule
 
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A propos de cette situation, il dit encore: A bord du paquebot, le Clément m'a appris Que j'étais le serviteur du chef de Médine. Le paquebot, plein de voyageurs, Passa la journée du vendredi et la nuit du samedi en rade. A bord de ce paquebot bien plein Je reçu mon adepte alors qu'il était bien attristé, Et je lui fis mes adieux et regagnai ma place, le cœur bien éprouvé Il reçut également une personne venue l'informer de l'arrivée d'un nouveau gouverneur qui n'avait pas encore pris contact avec les noirs. Son serviteur lui a conseillé d'écrire à ce gouverneur pour lui prouver son innocence et demander sa libération. Sous l'insistance de cet homme, dit-il, j'acceptai son conseil et pris ma plume. Mais, à peine traçai-je une ligne que le Seigneur des créatures me parla. "Tu oses te plaindre auprès d'une créature comme toi au lieu de MOI?" Alors je faillis mourir de peur et de honte puis j'effaçai la ligne. Quand l'homme insista de nouveau, je lui fis savoir qu'il m'était impossible de continuer. (Observons que la manière dont le Seigneur adresse la parole à ses serviteurs privilégiés n'est connue que de ceux qui méritent cette faveur. Le simple croyant doit admettre la possibilité de ces entretiens, et même s'il ne peut pas en concevoir la modalité, il ne doit pas le nier). A propos de cet incident, Ahmadou Bamba dit: L'envoyé du gouverneur m'a conseillé D'adresser une lettre au nouveau gouverneur venu de France. J'ai accepté d'abord le conseil, puis j'ai regretté Et effacé ce que j'avais déjà écrit. Au même moment l'ordre me fut donné d'écrire Et j'écris le poème bien agréé. Afin de mentionner le nom de celui qui montre sa VOIE Par mon intermédiaire. Le « poème bien agréé » dont il est question ici est celui composé sur les lettres du verset coranique "Et je confie mes affaires à Dieu, car Dieu est observateur des serviteurs" le Coran (40:44) et qui commence par: Je consacre mes écrits au service du Roi De la terre, du ciel et des rois... Le paquebot quitta Dakar le samedi 2 Rabic II et fit une escale à Conakry où un homme originaire du Saloum vint rencontrer le Cheikh à bord, lui offrit un précieux cadeau et lui dit: "j'ai appris que tu allais arriver à bord d'un paquebot à destination du Gabon et je suis venu te rendre visite pour que tu pries pour moi et me donnes des conseils" C'est grâce à cet homme, dit le Cheikh, que j'ai su pour la première fois le nom de mon lieu d'exil. J'ai prié pour lui et lui dit en guise de conseil: "O frère, Sache où que tu sois qu'il n'y a de Dieu
 
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que Dieu, et que quiconque s'adresse à un autre que lui saura qu'il n'ya d'autre Dieu que lui, et que quiconque se dirige vers lui sous la direction d'un autre que MUHAMMAD, saura que Muhammad est le Messager de Dieu" Puis il me fit ses adieux et partit. Puis il raconte que leur escale suivante était Grand Bassam et parle d'une personne qui se moquait de lui avant leur arrivée à cette ville. Dieu, dit-il, me débarrassa de lui par sa sagesse. Cet homme s'embarqua dans le paquebot à Conakry, mais il n'apprit m'a présence à bord que peu avant notre arrivée à Grand Bassam. Et ce fut alors qu'il se présenta et m'interpella. Quand je le regardai, il m'a dit: "J'ai appris que c'est mon frère qui t'a arrêté à cause du bruit que tes adeptes faisaient autour de toi, etc..." A cet instant, la sirène du paquebot hurla, et l'homme attendit le silence pour continuer son discours. Mais les hurlements ne cessèrent jusqu'à notre entrée dans le port où il débarque parmi d'autres passagers. Et j'ai remercié Dieu. A ce propos, Ahmadou Bamba écrit dans un poème: A Conakry, j'ai donné un "présent" désintéressé et incontesté A l'Elu, l'Effaceur. Dieu m'a délivré à Conakry De tout ce qui entraîne le mal A Grand bassam, Dieu a éloigné de moi Celui qui cherchai à me provoquer Par "ce présent", il entend les propos qu'il avait dit à son visiteur à Conakry au sujet de "il n'y a point de dieu que Dieu" (dogme qu'il aurait contesté si Dieu ne l'avait pas protégé de l'égarement) et non pas le présent matériel de son visiteur. A propos de son escale au Dahomey, il évoque un honneur que Dieu lui fit: "Je reçu l'ordre de jeter dans la mer une bouteille de musc que je gardais pour en parfumer mes vêtements et livres. Sans hésiter, je le jetai. Quand le bateau accosta, une foule de musulmans informés de mon arrivée vint me saluer. Tous ou la plupart d'entre eux me donnèrent des bouteilles de musc". A propos de cet incident il écrit: Au Dahomey, le Miséricordieux m'a donné Des biens me dispensant du marchandage. Le "Miséricordieux" signifie celui qui accorde des grâces. Celles dont ils s'agit ici font partie des plus subtiles... Evoquant une autre des grâces que Dieu lui accorda au cours de son voyage, il dit: "le capitaine du paquebot vint me rassurer et me témoigner de sa sympathie et de sa désapprobation de ma déportation et disait souvent que j'étais innocent. Le médecin de l'équipage également venait me rassurer et me témoigner son amitié et sa disponibilité à fournir toute aide nécessaire. De même un jeune chrétien de l'équipage à qui Dieu avait inspiré mon amour, vint me servir comme un mouride". Il dit également que tout au long de son voyage, Dieu l'a entouré de bienveillance et qu'il a demeuré tranquille d'esprit jusqu'à son arrivée à Libreville "où je restai peu de temps avant d'être transféré dans l'île où je passai cinq ans. Pendant ces années j'étais devenu comme le soleil:" Il entend souligner la hauteur de son rang, sa renommée et son utilité.
 
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Il affirme à juste titre que, au cours de cette période il a composé mille écrits incomparables dans leur beauté et leur utilité et portant tous sur Dieu, Son Messager et Sa Religion: l'ISLAM. L'île en question était celle de MAYOMBE. Car Ahmadou Bamba précise: sur la côte de cette île, je me suis adressé à la mer en ces termes: Témoigne, ô mer de Mayombé, que je suis l'esclave du Pardonnateur Et le serviteur de l'Elu; Témoigne que je ne flatterai jamais un idolâtre Et que je demeurerai l'ami intime de celui qui m'a entouré d'honneur Puis il dit: Ô mer, Professe l'Unité divine et non point la Trinité. Car notre Seigneur transcende la Trinité. Quel Généreux Seigneur Continue de t'agiter et d'écumer par crainte De Dieu, et témoigne que je suis Son esclave bien soumis Il affirme également qu'après l'île où il a composé les écrits cités plus haut, il fut transféré dans une autre où il vécut péniblement trois années et quelques mois tout en poursuivant le service du Messager de Dieu (P.P.S.S.L). Une fois, un jeune européen, se présenta à moi armé d'une épée. En passant l'épée au dessus de ma tête, il me demanda si j'étais bien Ahmadou Bamba. Quand je répondis affirmativement, il me dit, Prend garde. Car je suis le descendant d'un tueur des saints hommes! Avec ma plume, je fis un geste en sa direction en lui parlant d'un ton dur comme si j'allais me jeter sur lui: Saches que tu n'es pas ton aïeul, tueur, et que je ne suis pas comme ceux qu'il a tués. Alors il trembla de peur et disparut... Dans une autre occasion, fut annoncée l'arrivée prochaine d'un chef européen, et des journées entières furent consacrées au nettoyage des rues et à l'implantation des drapeaux. Puis le chef arriva dans l'île en compagnie de ses gardes. Sitôt débarqué, il me demanda. Quand il fut conduit dans ma chambre, il me salua, tint des propos respectueux à mon égard puis il s'avança, histoire de me serrer la main. A peine lui tendis-je ma main que j'entends cette parole divine venue du ciel comme une foudre: "O croyants, les polythéistes sont impures (9:28)". Ceci me fit perdre ma lucidité, et j'écartai ma main si violemment qu'il perdit son équilibre, recula un peu puis il s'arrêta longuement comme pour réfléchir sur mon geste. Pendant ce temps, je continuais à écrire. Une heure plus tard, il appela son interprète et s'entretint longuement avec lui. Puis l’interprète revint me dire: "le chef te salue et te prie de ne pas lui en vouloir, car il n'est pas de ceux qui te haïssent ni de ceux qui t'ont tracassé, arrêté et expatrié. Loin de là, il t'aurait même rapatrié, s'il en avait le pouvoir. S'il a débuté son séjour par ta visite, c'est parce qu'un de tes compatriotes sénégalais qui est son ami intime lui avait vivement conseillé de te rendre visite et de te transmettre ses salutations. Car tu es l'un des hommes les plus chers à lui. C'est pourquoi sa visite n'était qu'amical". Ensuite, je demandai à l’interprète de l'informer que mon geste n'était pas dicté par la haine... Toujours est-il que le chef quitta les lieux apparemment satisfa
 
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Quand il fut installé, on me conseilla de lui faire un présent. Je lui envoyai une grosse boite de gâteau européen extrêmement délicieux, et il fut content de ce présent et m'en remercia bien. Si un tel comportement émanait d'un homme cherchant à passer pour un brave résistant, il lui nuirait. Mais il n'y a pas de mal à craindre pour celui qui agit conformément à l'ordre de Dieu. Dieu merci. Il me plaît ici de citer les vers d'Ibn Handal, le versificateur des prodiges du Cheikh: Beaucoup de tyrans qui se promenaient Avec fierté dans leurs uniformes militaires Et commandant des dizaines de milliers de soldats Sans avoir jamais songé aux ordres et interdictions de Dieu Ont subi une défaite humiliante Grâce à votre victorieuse épée bien affûtée et tranchante. C'est là une victoire accordée par Dieu à l'esclave serviteur Victoire grâce à laquelle des soldats chrétiens Sont devenus comme ses partisans. S'il avait divulgué ses secrets, il aurait étonné les hommes Mais sa poitrine est demeurée la tombe de ses secrets. Parmi les événements prodigieux de son exil, Ahmadou Bamba cita encore l'apparition des soldats de Badr. "Ce fut dans une île où je fus logé avec les soldats comme un d'entre eux. Ils jouaient, buvaient et fumaient devant moi, et je supportais fermement ces actes gênants, sachant que les deux anges chargés de noter les actions des hommes responsables étaient avec nous et que comme ils pouvaient tolérer ce qui se passait sous leurs yeux par obéissance à leur Seigneur, je devais à mon tour en faire de même. Un jour, arrivés à leur aire de manœuvre, ils trouvèrent des soldats coiffés de turbans, montés sur leurs propres chevaux et en position de combat. Ce spectacle les effraya et ils restèrent un moment stupéfaits. Leur chef menaçait de tuer quiconque diffuserait la nouvelle de l'incident. Au matin, les soldats [Célestes] disparurent et la nouvelle fut cachée aux civils. Quelques jours plus tard, l'administration me convoqua et me tint des propos amicaux. Au cours de notre entretien, il me dit: - Peut être a-tu des partisans qui t'aideraient si tu tentes un coup? - Quel genre de partisans s'agirait-il, des djinns ou des hommes? - Tu le sais mieux - Je fis semblant de ne rien savoir, et il se tut Des savants ont demandé au Cheikh Ahmadou Bamba le but de cette apparition des soldats de Badr et la nature des soldats et s'ils étaient accompagnés du Prophète
 
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P.P.S.S.L). Il répondit que l'apparition eut pour but de dérouter les ennemis et que les soldats étaient des anges dirigés par le Prophète. A propos de cet événement, il écrit les vers suivants: A Libreville, mes vœux furent exaucés Par Celui qui m'a accordé ce qui est caché aux autres saints. M'a envoyé les vaillants soldats de Badr Celui qui déroute jaloux et calomnieux Dieu m’amène où que je sois les secrets Rassurant de "il n'y a point de dieu que Dieu" Ce qui est caché aux autres saints, dit-il, c'est l'apparition dans cet endroit sauvage des soldats de Badr, etc...Par les secrets rassurants de "il n'y a point de dieu que Dieu", il entend le contenu de la parole du Très-Haut: "S'il te veut un bien, il n'est personne alors pour repousser sa grâce (le Coran 10:107). Ailleurs, il observe que chaque fois qu'il emploie l'expression les heurts et malheurs que la formule il n'y a point de dieu que Dieu apprend le croyant à confronter, il fait allusion à la parole divine: "Si Dieu fait qu'un mal te touche, il n'est personne alors pour te délivrer que lui (le Coran 10:107). Ahmadou raconte également qu'une fois ses ennemis l'engagèrent dans un passage étroit et lâchèrent contre lui un taureau, "et se tinrent à proximité pour regarder, croyant que le taureau allait m'écraser. Quand il s'approcha de moi, il sauta au dessus de moi comme pour voler". C'est de ce taureau que parle Abdallah Salim Ibn Hanbal, le versificateur des Prodiges qui dit: ... Un jeune taureau qui vola au dessus de lui dans l'air puis il disparut... Il dit encore qu'une fois il fut détenu dans un endroit si longtemps qu'il se lassa et se plaignait à Dieu. A peine se plaignit-il que Dieu fit proliférer autour de lui de grosses fourmis qui le troublèrent davantage. "J'ai compris alors que ma plainte avait été à l'origine de mon malheur". Ce qui vous atteint de quelque atteinte, c'est pour ce que vos mains se sont acquis...(le Coran 42:30).Et j'ai substitué la reconnaissance à la plainte et dit : Au lieu de me plaindre, je remercie Dieu Je ne me plaindrai plus auprès de lui d'un mal, le mal m'étant évité Les fourmis disparurent et je demeurai tranquille. Peut être le vivificateur des prodiges fait-il allusion à cet incident quant il dit: "De monstrueuses fourmis se lancèrent sur lui sans qu'il se souciât de leurs attaques". Ahmadou Bamba dit encore qu'une fois le christianisé cité plus haut le maltraita. "Son acte, dit-il, lui valut reproche et avertissements d'un de ses collègues. De sorte qu'il en
 
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éprouve peur et regret et vint me voir dans la nuit en compagnie d'une personne amenant un mouton. Il m'offrit le mouton et une grosse bouteille d'encre, et en plus, se coucha par terre devant moi en guise de manifestation de son repentir et déclara qu'il s'était repenti et qu'il ne quitterait l'endroit tant que je n'aurais pas mis mon pied sur sa nuque. Puis je le renvoyai avec de belles paroles. Comme il m'avait trouvé en train d'écrire, j'enchaînai immédiatement ainsi: Cette nuit, Dieu m'a adouci le cœur d'un renégat Venu m'offrir un mouton et de l'encre Un autre des événements prodigieux de son exil était qu'il vivait à un moment donné sous l'autorité d'un administrateur colonial particulièrement antipathique. Un jour, dit-il, je me suis résolu d'essayer de combattre cet homme pour voir comment Dieu m'aiderait à le vaincre. Je suis sorti de ma chambre pour aller chez lui. Pendant ce temps, il fut averti. "C'est impossible, dit-il alors, cet homme, qui ne répond même pas aux convocations, viendrait donc aujourd'hui tout volontiers"! "En effet, il va arriver". Lui dit-on. Puis il se leva, vint m’accueillir de loin avec affabilité, me conduisit dans son bureau et demande avec insistance ce que je désirai. Après un moment de réflexion, je lui ait dit que je voulais un peu d'encre. Après il m'en offrit une grosse bouteille. Puis je suis reparti. Comme j'étais entrain de composer un poème sur les lettres de l'alphabet arabe en commençant sept vers par chacune des lettres, j'ai enchaîné: J'ai obtenu de l'encre auprès d'un infidèle incirconci Que j'ai subjugué grâce à la sourate de la Pureté. Après plusieurs lignes, l'on me dit: "il est malhonnête de ta part de t'opposer aux coloniaux par principe et d'accepter leur aide en cachette"! J'ai alors creusé le sol et y ai versé l'encre. De tout cela, j'ai conclu que mon combat était sincère. Dieu merci. Il parle également d'une expatriée sénégalaise qui fit un rêve lors du séjour du Cheikh à Bafali (au Gabon). Au cours du rêve, les soldats de Badr attaquèrent la ville et massacrèrent ses habitants. Lorsqu'un de ces soldats s'approcha d'elle, son collègue lui dit: "Ne la touche pas car elle est musulmane". Alors le soldat s'éloigna d'elle. A propos de cette femme, le Cheikh dit: C'était une femme pieuse qui me réservait sa plus grande bienfaisance et me disait: "Ce que je te donne est du produit de mon travail; ce n'est ni le prix du vin ni celui du tabac". Elle disait ceci parce que le vin et le tabac faisaient l'objet de fréquents échanges commerciaux dans cette ville et qu'elle savait que je ne les consommais pas et n'utilisais même pas les recettes de leur ventes. Un jour, je lui ai dit: Que veut tu en récompense de tes services? "Dans ma vie présente, je veux des enfants, et dans la vie future, je veux le Paradis", dit-elle. « Dieu est Tout-Puissant » lui dis-je. Quelque temps après, elle eut un enfant et mourut pendant l'accouchement. Comme elle me contactait toujours par des intermédiaires, je ne l'ai vu qu'après sa mort lorsque son corps fut transporté devant moi en vue de célébrer la prière pour le repos de son âme. L'on dit qu'elle s'appelait Awa et qu'elle était la fille d'une certaine Baba SEYE et l'épouse
 
Mame Saliou Diop
de Yala SEYE, un agent de l'administration coloniale qui sympathisait avec moi et me rendait des services... Un jour, une violente dispute opposa un homme à un autre agent de l'administration coloniale à cause de moi. En effet, j'avais implanté devant ma chambre quatre bornes délimitant mon lieu de prière. Quand ledit agent l'aperçut, il déracina les bornes et les jeta en disant: "Pas de prières! Pas d'Islam ici! Tu veux corrompre nos soldats". Je me tus et demeurai patient. Informé de l'incident, Yala SEYE, tout irrité, arriva immédiatement et dit à l'agent: - Pourquoi as-tu rasé son lieu de prière qu'il avait aménagé devant sa chambre sans gêner personne ni empiéter sur un passage public? - C'est qu'il ne doit pas y avoir de lieu de prière ici! - Mais si! Je vais le rétablir tout de suite - Tu ne le feras pas... Et les gens de les séparer pour les empêcher d'en venir aux mains. Leur querelle dura de la prière d'Asr jusqu'au coucher du soleil. Pendant ce temps, je composais un poème sur les lettres du verset: "Seigneur, fais-nous sortir de cette cité prévaricatrice en ses gens; et assigne-nous de Ta part un patron, et assigne-nous de Ta part un secoureur" (le Coran 4:75). En voici quelques vers: Je suis satisfait du Maître Très-Haut qui a élevé Mon cœur et m'a rendu riche - Quel Généreux Seigneur! Accorde salut et paix au Prophète, aux siens ainsi qu'à ses compagnons Et facilite nous grâce à lui la construction d'une vaste mosquée (On lui révéla alors que sa prière fut exaucée et qu'il verrait la mosquée demandée. Nous aussi nous l'avons vue. C'est la mosquée de Diourbel qui fut suivie de celle de TOUBA) Du reste, c'est un long et beau poème qui, par la grâce de Dieu Très-Haut et pour la sincérité de son auteur, est d'une grande efficacité pour acquérir un bien ou pour se protéger d'un mal. Que son utilisateur craigne Dieu et qu'il l'utilise dans le bien. Plus tard, conformément à la volonté divine, Yala SEYE vint rendre visite au Cheikh Ahmadou Bamba à Diourbel, et ce dernier nous donna l'ordre, moi et un autre collègue d'amener son hôte à la grande mosquée, et nous lui avons fait visiter tous ses côtés, et il en sorti plein d'admiration. A notre retour, le Cheikh lui a dit: « Comment trouves-tu cette mosquée par rapport à mon "masjîd" 25[25] que tu défendais jadis? » « Que Dieu est transcendant! Il n'y a aucune commune mesure entre les deux »; répondit-il. Et le Cheikh d'ajouter: C'est ce que j'entendais quand je disais: A Mayombé, Dieu a levé ce qui me faisait mal Au cœur et rehaussé mon prestige "Ce qui me faisait mal au cœur", c'est la destruction de son masjîd au Gabon et "rehaussé mon prestige" se concrétise dans l'édification de cette mosquée. ANECDOTE CURIEUSE PORTANT SUR UN INCIDENT PRODIGIEUX 25[25] Ce terme désigne tout lieu de prière même non matérialisé
 
Mame Saliou Diop
A suivre
 
il y a 44 minutes
salam mame guiss nga video bi
 
Mame Saliou Diop
Mai amul image
 
fi dh amna fi image me chainne dokhoul banenn bi moy dokh kham na damakoy supprime
 
Mame Saliou Diop
Hun ok
 
boobou moy dokh legui
 
Fin de la conversation
 

 

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